Défis posés par la crise climatique et problèmes d’assurance, tendances à deux tranchants en matière de dons, et de nouvelles possibilités grâce aux modèles de travail flexibles.
Dans ce billet de notre série trimestrielle, nous exposons les difficultés vécues par les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif (OBNL) en raison de la crise climatique et d’un marché de l’assurance impitoyable. Tandis que la première constitue un défi à long terme susceptible de changer des aspects centraux du fonctionnement de notre secteur, le deuxième représente un défi à court terme, qui affecte de nombreux organismes. De plus, nous analysons de récentes données sur les tendances en matière de dons pour obtenir un portrait plus précis des répercussions de la pandémie sur cette importante source de revenus. En dernier lieu, nous nous intéressons aux possibilités que les nouveaux modèles de travail offrent à notre secteur.
Crise climatique : nouveaux défis et augmentation de la demande pour les OBNL
Les plus éminents spécialistes de la science climatique ont récemment émis une mise en garde « ultime » et limpide à l’attention du monde entier : il faut agir maintenant pour contrer la crise climatique; sinon, il sera trop tard. Dans tous les cas, nous percevons déjà les effets de la crise climatique. Depuis plusieurs années, la planète semble prise dans un cycle sans fin de catastrophes et de bouleversements climatiques, constitué d’inondations, de sécheresses, de vagues de chaleur, d’incendies de forêt, de blizzards, d’ouragans et de tornades. Non seulement ces événements anéantissent-ils les communautés concernées, mais ils ont également des conséquences sur le secteur des OBNL.
La demande pour l’aide humanitaire et en cas de catastrophes, tant chez nous qu’ailleurs au monde, augmentera à mesure que les catastrophes climatiques se multiplient. Selon des projections publiées par la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, le nombre de personnes qui auront besoin d’aide humanitaire en raison de la crise climatique pourrait doubler pour atteindre 200 millions d’ici 2050. Au Canada, des OBNL répondent à des événements climatiques en offrant de l’aide immédiate. Ainsi, la Croix-Rouge a aidé les évacués des inondations en Colombie-britannique en 2021 en leur offrant du logement temporaire et de la nourriture.
Par ailleurs, le dérèglement climatique risque d’influencer la demande pour d’autres services. Par exemple, les vagues de chaleur et les blizzards ne requièrent pas nécessairement d’aide humanitaire. Or, ils peuvent amener les OBNL à être sollicités pour l’ouverture d’endroits où les gens peuvent venir se rafraîchir ou se réchauffer, ou pour effectuer des visites de bien-être chez des personnes vulnérables. La hausse des flux migratoires est une autre conséquence de la crise climatique. Elle fera augmenter la demande pour les services de rétablissement des immigrant.e.s et réfugié.e.s au Canada.
Enfin, les bouleversements climatiques peuvent directement affecter les OBNL. Des inondations ou feux qui touchent la région où un organisme est établi ou travaille peuvent endommager ses actifs physiques, empêcher son personnel de travailler pendant une durée prolongée et faire augmenter ses primes d’assurance. Selon les plus récents résultats de l’Enquête canadienne sur la situation des entreprises, 8 % des OBNL craignent que les changements climatiques ou les conditions météorologiques constituent un obstacle au cours des trois prochains mois.1
Assurance : augmentation des coûts et diminution de l’offre
De nombreux OBNL ressentent déjà les effets indirects de la crise climatique en ce qui concerne les coûts et l’offre d’assurances. Aux dires de l’industrie, nous vivons actuellement un « marché difficile ». Par conséquent, les primes d’assurance augmentent et la couverture est à la fois plus restreinte et plus difficile à trouver. Certains particuliers, entreprises et OBNL peuvent se retrouver dans l’impossibilité de trouver une couverture d’assurance, à quelque prix que ce soit.
Un tel resserrement du marché survient lorsque les assureurs prennent des mesures pour composer avec une hausse des réclamations et de faibles rendements d’investissement. Les premiers signes du resserrement actuel sont apparus dès 2019 et se sont accentués en 2020. Aujourd’hui, les OBNL en ressentent les conséquences. Selon la plus récente Enquête canadienne sur la situation des entreprises, l’augmentation des coûts d’assurance au cours des trois prochains mois représente un sujet de préoccupation pour 33 % des OBNL, contre 29 % au dernier trimestre.2
Dons : augmentation dont bénéficient davantage les grands organismes
Statistique Canada a récemment publié des estimations préliminaires des dons de bienfaisance effectués en 2021, selon les montants déclarés par les contribuables sur le formulaire T1 de leur déclaration de revenus. Selon ces données, les contribuables ont déclaré un total de 11,8 milliards de dollars en 2021, soit plus que les 10,9 milliards de dollars déclarés en 2020. En tenant compte de l’inflation, il s’agit d’une hausse de presque 8 %. Évidemment, une augmentation des dons est toujours une bonne nouvelle, cependant, le portrait n’est pas rose pour tout le secteur.
D’abord, le défi du rétrécissement du groupe de donateurs.trices demeure. En 2021, seulement 17,7 % des déclarant.e.s ont inscrit des dons à leur déclaration de revenus. C’est le plus petit pourcentage jamais enregistré. Puis, une partie de plus en plus grande de l’ensemble des dons est destinée aux plus grands organismes de bienfaisance. Les données du formulaire T3010 révèlent que depuis 2013, le pourcentage des dons avec reçu fiscal versés aux organismes de bienfaisance dont les revenus annuels sont égaux ou supérieurs à 25 millions de dollars est passé de 32 % à 42 %. Pendant la même période, le pourcentage des dons versés aux organismes de bienfaisance dont les revenus annuels sont inférieurs à deux millions de dollars est passé de 36 % à 28 %.
Conditions de travail flexibles : nouveaux modèles et possibilités pour les OBNL
Il y a trois ans, la pandémie a propulsé le télétravail et les horaires flexibles à l’avant-plan, et cette tendance semble perdurer. Selon les résultats de la plus récente Enquête canadienne sur la situation des entreprises, en moyenne, seulement 64 % des travailleurs.euses au pays devaient se présenter physiquement sur leur lieu de travail au début de 2023.4
Une récente étude réalisée au Canada révèle que la présence de conditions de travail flexibles influence la décision de garder ou de quitter un emploi pour 81 % des travailleurs.euses. De plus en plus d’organisations (dont nous!) expérimentent la semaine de travail de quatre jours. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, la flexibilité des conditions de travail devient un avantage concurrentiel pour les employeurs.
Souvent, les OBNL peinent à offrir des salaires et avantages concurrentiels, mais dans bien des cas, ils peuvent offrir des modèles de travail flexibles. À l’échelle de l’économie canadienne, 32 % des OBNL prévoient d’offrir un horaire de travail flexible au cours de la prochaine année, contre 22 % de tous les employeurs. De plus, 24 % des OBNL envisagent d’offrir l’option de travailler à distance, contre 10 % de tous les employeurs.6
Par ailleurs, ces modèles de travail donnent lieu à ce que le New York Times a appelé « l’économie des après-midi divertissants » (afternoon fun economy). En effet, les salles d’entraînement, studios d’esthétique et entreprises de loisirs enregistrent une hausse marquée de leurs activités. Cette tendance se reflète aussi dans les résultats d’une étude de l’Université Stanford (en anglais) selon laquelle le nombre de personnes qui s’adonnent au golf les mercredis a augmenté de 143 % entre 2019 et 2022. Les OBNL pourront-ils tirer avantage de cette évolution pour leurs activités de collecte de fonds? Pourraient-ils changer l’horaire de leurs services et programmes afin de mieux satisfaire les besoins de leurs communautés? Ainsi, des tournois de golf ou courses associés à une collecte de fonds et organisés un après-midi de semaine pourraient devenir une possibilité viable. Et certains programmes comme des cours d’arts offerts pendant les heures ouvrables typiques pourraient attirer les gens en télétravail.
2 Statistique Canada, tableau 33-10-0635-01 : Obstacles à surmonter par les entreprises ou organismes au cours des trois prochains mois, premier trimestre de 2023 et tableau 33-10-0603-01 : Obstacles à surmonter par les entreprises ou organismes au cours des trois prochains mois, quatrième trimestre de 2022
3 Statistique Canada, tableau 11-10-0130-01 : Dons de charité sommaire