Référence photographique : The Raw Carrot est une entreprise à vocation sociale qui emploie des personnes handicapées pour préparer et emballer des soupes gastronomiques artisanales qui sont vendues dans des marchés fermiers et des commerces de détail de la communauté locale.
Le budget 2021 est remarquable pour de nombreuses raisons, notamment parce qu’il a été présenté par la première femme ministre des Finances du Canada après une année marquée par une crise sanitaire, économique et sociale. Pour le secteur à but non lucratif, ce budget représente un moment marquant qui témoignait des progrès considérables que nous avons réalisés dans l’avancement de notre relation avec le gouvernement fédéral au cours de la dernière année seulement. Il faut reconnaître que ce budget n’a pas répondu à toutes les priorités du secteur à but non lucratif, que de nombreux organismes éprouvent toujours des difficultés et que nous devons continuer à plaider en faveur du soutien du secteur en cette période difficile. Cela dit, lorsqu’on le compare aux budgets fédéraux des dernières années, celui de 2021 constitue un progrès encourageant. Dans un récent billet de blogue, nous avons parlé des efforts de défense des intérêts du secteur à but non lucratif déployés depuis le début de la pandémie et de certains des principaux résultats obtenus. Dans le présent article, nous faisons un retour sur le budget 2021 (maintenant que nous avons eu l’occasion de consulter plus attentivement ses plus de 800 pages!) pour discuter de l’incidence des annonces sur les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif.
La négligence bénigne serait-elle chose du passé?
À bien des égards, le budget 2021 a été le point culminant d’une année d’activités intenses et cohérentes de lobbying, de défense des intérêts et d’établissement de relations. Compte tenu de la diversité des organismes à but non lucratif et des organismes de bienfaisance, tous n’ont évidemment pas réagi de la même façon au budget. Certains sous-secteurs ont été déçus de l’absence de mesures précises les concernant et d’autres se sont réjouis des nouvelles initiatives, tout en déplorant l’insuffisance des fonds qui y sont consacrés. Notre équipe, qui a analysé le budget 2021 de manière holistique en ce qui a trait à l’inclusion des enjeux et des préoccupations du secteur à but non lucratif, a toutefois constaté de nombreux signes positifs, surtout si on le compare aux budgets fédéraux précédents.
Le budget 2021 comprend notamment une section intitulée Favoriser la croissance des organismes de bienfaisance, des organismes sans but lucratif et des organismes à vocation sociale qui reconnaît explicitement l’importance de notre secteur et la responsabilité du gouvernement de le soutenir : « Les organismes de bienfaisance, les organismes sans but lucratif, les entreprises sociales et d’autres organismes du Canada fournissent des services essentiels à nos communautés, y compris aux membres les plus vulnérables de la société canadienne. (…) Alors que nous nous dirigeons vers notre relance, nous devons également aider le secteur social florissant du Canada à bâtir des communautés saines, résilientes et inclusives dans tout le pays. » De toute évidence, en grande partie grâce aux efforts de défense des intérêts du secteur de la dernière année, le gouvernement reconnaît aujourd’hui l’importance de notre secteur comme jamais auparavant.
Mesures ciblées pour les organismes de bienfaisance et à but non lucratif
Le budget comprend également de nombreuses mesures destinées à aider le secteur à but non lucratif, notamment la prolongation du Programme de préparation à l’investissement et des consultations sur le contingent des versements. Plusieurs sous-secteurs obtiennent des investissements ciblés, comme le nouveau financement alloué au Fonds pour l’infrastructure alimentaire locale et la création du nouveau Fonds de projets LGBTQ2.
Le Fonds de relance des services communautaires, doté de 400 millions de dollars, représente une victoire cruciale du fait qu’il est axé sur le soutien au fonctionnement de base. Le passage à un financement par projet pour le secteur au cours des deux dernières décennies a fait en sorte que des organismes connaissent des problèmes de capacités qui, à bien des égards, ont été exacerbés au cours de la pandémie. S’il est vrai que le financement sera consacré à la modernisation et à l’adaptation plutôt qu’à la stabilisation, nous avons néanmoins la confirmation que ce fonds a été créé en réponse aux efforts de plaidoyer du secteur. Nous sommes également heureux de constater qu’un large éventail d’organismes du secteur à but non lucratif, et non pas un seul sous-secteur en particulier, seront admissibles au financement provenant de ce fonds. Ce constat est important, car il témoigne du fait que le gouvernement reconnaît que toutes sortes d’organismes, pas seulement ceux qui sont en première ligne de la pandémie, contribuent au dynamisme des communautés et sont dignes d’être soutenus.
La création du Fonds de dotation philanthropique dirigé par des Noirs est un autre exemple du pouvoir de la défense des intérêts. On nous a dit que ce fonds avait été créé en partie en réponse au rapport Non financé : Les communautés noires, les oubliées de la philanthropie canadienne, publié par le Réseau pour l’avancement des communautés noires et le programme « Philanthropy and Nonprofit Leadership » de l’Université Carleton. Dans les semaines qui ont précédé la présentation du budget 2021, plus de 200 organisations dirigées par des personnes noires et au service des communautés noires de tout le Canada ont signé une déclaration demandant, entre autres, un « soutien pour soulager les fournisseurs de services communautaires dirigés par des Noirs, en première ligne de la crise, qui travaillent avec diligence pour [faire en sorte] que les besoins [essentiels] de nos communautés soient satisfaits ». Certes, il reste encore beaucoup de travail à faire en vue d’obtenir l’équité pour les organisations dirigées par des personnes noires et au service des communautés noires, mais la création de ce fonds montre clairement que le gouvernement est attentif aux importantes lacunes dans l’environnement de financement de notre secteur.
Reconnaissance des organismes à but non lucratif comme partie intégrante de l’économie au sens large
Le secteur à but non lucratif est souvent exclu arbitrairement des mesures mises en place pour les entreprises, mais il a été d’entrée de jeu inclus dans de nombreuses mesures proposées dans le budget 2021, dont le nouveau Programme d’embauche pour la relance du Canada. La prolongation de la Subvention salariale d’urgence du Canada et la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer sont deux autres mesures dont pourra bénéficier le secteur. Nous espérons que cela marquera la fin de la nécessité de plaider de manière réactive en faveur de l’inclusion de notre secteur dans chaque nouveau programme ou chaque nouvelle initiative visant les employeurs. Le cas échéant, le secteur aura plus facilement accès au soutien et le personnel responsable des politiques pourra se concentrer sur d’autres priorités.
En outre, le secteur à but non lucratif n’a pas été oublié dans les promesses phares du budget fédéral 2021. En effet, le gouvernement est résolu à travailler en « collaboration avec les provinces et les territoires pour soutenir principalement les fournisseurs de services de garde d’enfants du secteur sans but lucratif en vue d’accroître le nombre de places de qualité partout au pays tout en veillant à ce que les familles de toutes les places autorisées bénéficient de services de garde d’enfants plus abordables ». Cet engagement est remarquable non seulement parce qu’il est assorti d’un financement de 27,5 milliards de dollars sur cinq ans pour soutenir les fournisseurs de services de garde d’enfants à but non lucratif, mais aussi parce qu’il témoigne clairement de la reconnaissance de l’importance des organismes à but non lucratif dans cette grande priorité politique.
D’autres développements à surveiller
Le gouvernement a instauré une nouvelle analyse de la qualité de vie pour évaluer les mesures annoncées dans le budget 2021. Cette optique d’analyse vise à donner un aperçu plus holistique de l’incidence des nouvelles initiatives par rapport à l’optique traditionnelle purement économique. Il est parfois difficile – et souvent peu approprié – de quantifier l’incidence qu’a une organisation sur sa communauté sur le plan strictement économique. Il s’agit donc ici d’une occasion pour notre secteur de faire valoir son impact dans un nouveau cadre mieux adapté à la compréhension des avantages environnementaux et sociaux qu’il procure.
Le budget 2021 comprend de nombreuses mesures liées à des données susceptibles d’avoir une incidence sur les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif. Le gouvernement compte investir 172 millions de dollars sur cinq ans pour mettre en œuvre le Plan d’action sur les données désagrégées qui comblera les lacunes en matière de données et de connaissances. Nous n’avons pas la certitude que ce plan inclura des mesures visant à combler le manque de données sur le secteur à but non lucratif lui-même, mais, quoi qu’il en soit, l’accès à de meilleures données désagrégées sera inestimable pour de nombreuses organisations qui souhaitent obtenir de l’information détaillée sur les populations qu’elles servent.
Deux engagements pris par le gouvernement dans le budget 2021 pourraient contribuer à accélérer la réforme du « principe de la direction et du contrôle ». Le gouvernement fédéral compte verser de l’argent aux organismes à but non lucratif par l’entremise du Fonds de relance des services communautaires et du Fonds de dotation philanthropique dirigé par des Noirs, mais ce sera difficile puisque ces organismes ne sont pas des donataires qualifiés. Nous espérons que la mise en place de ces deux fonds donnera l’impulsion nécessaire pour entreprendre cette réforme importante, car le gouvernement se heurte à ses propres obstacles réglementaires alors qu’il doit réaliser tous ces programmes ambitieux dans des délais serrés.
Et maintenant?
Au cours de la dernière année, de nombreuses personnes et organisations ont été interpellées par les enjeux politiques touchant le secteur à but non lucratif et ont consacré du temps et de l’énergie à défendre nos intérêts. Nous sommes fiers du travail que nous avons accompli en unissant nos efforts et nous jugeons important de souligner les progrès que nous avons réalisés. La baisse des cas de COVID-19 et la hausse des taux de vaccination au pays nous portent à croire que le pic de la crise est derrière nous et que nous pouvons entamer une nouvelle phase de plaidoyer. Les conditions allant en s’améliorant, nous comptons profiter de l’élan de la dernière année pour poursuivre nos efforts en vue de susciter un changement systémique et structurel en ce qui concerne nos priorités politiques. Nous espérons que le secteur continuera à se manifester et à défendre nos organisations et nos communautés, car la dernière année a montré à quel point nous sommes forts lorsque nous travaillons ensemble.