La crise climatique pose toujours des défis, on se prépare pour des élections fédérales, les nouvelles données sur l’équité, la diversité et l’inclusion sont un signal d’alarme pour les organismes à but à but non lucratif (OBNL) dirigés par des personnes blanches
L’été bat son plein et nous aimerions tous aller à la plage et oublier les nouvelles pour un moment, mais il se passe beaucoup de choses qui auront des répercussions sur notre secteur. La crise climatique s’intensifie et ses effets se font sentir chaque semaine. Le Parlement est en pause pour l’été, mais les OBNL qui mènent des activités de plaidoyer et axées sur les politiques publiques devraient réfléchir aux implications qu’auront les prochaines élections fédérales sur leur travail. Enfin, une nouvelle étude révèle que les OBNL dirigés par des personnes noires, autochtones et issues de groupes sous-représentés déploient beaucoup plus d’efforts pour promouvoir l’équité, la diversité et l’inclusion que les organisations dirigées par des personnes blanches. Pour en savoir plus sur les grandes tendances qui influeront sur le secteur au cours des prochains mois, poursuivez votre lecture de ce plus récent billet de notre série trimestrielle.
Incendies de forêt, inondations, vagues de chaleur : la crise climatique sévit près de chez nous
Depuis Halifax, dans l’est du pays, jusqu’en Colombie-Britannique, dans l’ouest, en passant par Kuujjuaq, dans le nord, c’est une grande partie du Canada qui est touchée d’une façon ou d’une autre par les incendies de forêt qui ont fait rage au cours des derniers mois. Deux pompiers ont perdu la vie, des milliers de personnes ont été évacuées et de nombreuses communautés ont été dévastées. Des avis de mauvaise qualité de l’air ont touché des millions de personnes, leur causant des problèmes respiratoires ou obligeant certaines personnes à porter un masque N95 à l’extérieur. Par ailleurs, le record du jour le plus chaud de la planète a été battu deux jours de suite. Comme si les incendies ne suffisaient pas, il y a aussi eu plusieurs inondations dévastatrices au cours des dernières semaines. L’aggravation de la crise climatique aura des répercussions de plus en plus importantes sur le secteur à but non lucratif. Nous avons abordé cette question dans notre dernier billet trimestriel sur les tendances.
La situation des incendies de forêt est particulièrement préoccupante dans les régions du pays qui dépendent des pompiers volontaires. Selon l’Association canadienne des chefs de pompiers, 15 000 postes de pompiers étaient vacants en 2022. Cette situation expose les petites collectivités rurales et éloignées, qui dépendent généralement des pompiers volontaires, à un risque important. Les pompiers volontaires ne sont ni des bénévoles ni des employés à proprement parler, selon le jargon de notre secteur, car ils agissent comme pompiers en plus de leur emploi à temps plein, et ils sont rémunérés lorsqu’ils suivent des formations et qu’ils participent à des missions de lutte contre les incendies. Néanmoins, l’exemple des pompiers volontaires illustre la manière dont les communautés peuvent être gravement affectées lorsque personne n’est disponible pour les aider en temps de crise.
On sait que le secteur à but non lucratif est aux prises avec une pénurie de personnel rémunéré et de bénévoles. Lors de la dernière Enquête canadienne sur la situation des entreprises (ECSE), 34 % des OBNL ont déclaré que les pénuries de main-d’œuvre représentaient un obstacle pour eux, 44 % ont dit que le recrutement de personnel qualifié posait problème et 32 % ont indiqué que la rétention de personnel qualifié constituait un problème1. Dans l’ECSE du quatrième trimestre de 2022, 65 % des OBNL qui font appel à des bénévoles ont déclaré être aux prises avec une pénurie de nouveaux bénévoles et 50 % ont dit avoir de la difficulté à conserver les bénévoles2.
Préparation en vue des élections : les spéculations s’intensifient
La prochaine élection fédérale au Canada doit avoir lieu d’ici le 20 octobre 2025. Or, du fait que nous sommes en présence d’un gouvernement minoritaire, les spéculations quant à la tenue d’élections anticipées vont bon train. On ne s’attend pas à être appelé aux urnes au cours des prochains mois, mais on s’attend à ce que les partis adoptent bientôt un discours électoraliste. Cela se manifeste souvent lorsque le parti au pouvoir commence à annoncer des politiques qu’il espère populaires, des « victoires rapides », plutôt que des initiatives à plus long terme, controversées ou, franchement, ennuyeuses. Tous les partis commencent alors à se préparer aux élections en recrutant des candidat.e.s, en remaniant et en présentant leurs équipes, en collectant des fonds et en élaborant leurs programmes électoraux. Au moment des élections, les Libéraux auront été au pouvoir depuis près de dix ans, si bien que de nombreux observateurs prédisent (article en anglais) un changement de gouvernement lors des prochaines élections.
Qu’est-ce que cela implique pour le secteur? Les organisations qui mènent des activités de plaidoyer, de lobbying et axées sur les politiques publiques doivent assurément se préparer, car le passage en mode préélectoral et un éventuel changement de parti au pouvoir pourraient avoir des conséquences importantes sur leurs stratégies. C’est le moment idéal pour commencer à planifier les possibilités découlant d’une élection. Vous pourriez vraiment faire avancer votre cause si vous réussissez à faire inclure dans le programme d’un parti un enjeu qui vous concerne. Les élections sont aussi une belle occasion de sensibiliser la population à certaines questions. Dans la perspective d’un changement de gouvernement, les stratèges politiques du secteur à but non lucratif doivent veiller à nouer des relations avec tous les partis et à défendre leurs propositions auprès de tous les décideurs, quelle que soit leur appartenance politique.
Des défis plus importants attendent les OBNL qui ne s’attardent pas à l’EDI
L’automne dernier, Statistique Canada a publié des projections démographiques détaillées jusqu’en 2041 pour le Canada. Ces projections montrent que si les tendances actuelles se poursuivent, la moitié de la population canadienne sera composée de personnes immigrantes et de leurs enfants nés au Canada, qu’environ 40 % des Canadien.ne.s feront partie d’un groupe racisé et que 25 % de la population seront des personnes nées en Asie ou en Afrique. La proportion de la population racisée chez les jeunes pourrait même atteindre 50 %. Les OBNL qui ne prennent pas au sérieux l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI) risquent donc de faire face à des défis de plus en plus importants. Les dons, le nombre de membres et le taux de satisfaction de la clientèle pourraient diminuer et ils auront à coup sûr du mal à recruter et à maintenir en poste du personnel, des administrateur.trice.s et des bénévoles.
C’est dans cette perspective que le personnel dirigeant du secteur à but non lucratif devrait examiner les résultats d’une récente enquête menée par le Collectif pour une relance équitable. L’étude, intitulée Changer la dynamique du pouvoir : équité, diversité et inclusion dans le secteur à but non lucratif, révèle que 39 % des OBNL n’ont jamais effectué de vérification de l’équité concernant des aspects de leurs activités, que 21 % des organisations du secteur ne recueillent aucune donnée relative à l’équité au sujet des bénéficiaires de leurs services et que 18 % des OBNL n’ont même pas de politique faisant valoir l’EDI. L’étude révèle également que les organisations dirigées par des personnes blanches sont systématiquement moins performantes en matière d’EDI que les organisations qui sont dirigées par des personnes noires, autochtones ou issues d’autres communautés sous-représentées. Les organisations dirigées par des personnes blanches sont moins susceptibles d’avoir vérifié leurs activités du point de vue de l’équité, de disposer de politiques et de procédures faisant référence à l’EDI, de suivre les caractéristiques d’équité des membres de leur conseil d’administration, de leur personnel et des bénévoles, ainsi que de recueillir des données relatives à l’équité au sujet de leurs bénéficiaires et de les utiliser. Les organisations dotées d’un groupe de travail sur l’équité font meilleure figure que celles qui n’ont pas un tel groupe, mais ici encore, les organisations dirigées par des personnes blanches sont à la traîne par rapport aux organisations dirigées par des personnes issues des minorités : seulement 28 % des organisations dirigées par des personnes blanches sont dotées d’un groupe de travail sur l’équité comparativement à 40 % des organisations dirigées par des personnes appartenant à des groupes minoritaires. De toute évidence, de nombreuses organisations ont beaucoup à faire pour que leurs programmes et leurs politiques répondent aux besoins de la population canadienne du 21e siècle.
1 Statistique Canada. Tableau 33-10-0666-01, Obstacles à surmonter pour les entreprises ou organismes au cours des trois prochains mois, deuxième trimestre de 2023.
2 Statistique Canada. Tableau 33-10-0617-01, Bénévoles et défis que les entreprises doivent relever pour recruter et maintenir en poste des bénévoles, quatrième trimestre de 2022.