Depuis que nous avons lancé notre projet pilote pour la semaine de travail de quatre jours en janvier 2023, de nombreuses organisations ont communiqué avec nous pour obtenir des conseils sur la façon de l’instaurer dans leur propre organisation, ou pour déterminer si la semaine de travail de quatre jours leur convient. Près de 150 personnes ont assisté au webinaire sur le sujet que nous avons organisé en juin 2023. Imagine Canada a aussi été invité à parler de son expérience lors de conférences et de tables rondes. Il est indéniable que la semaine de travail de quatre jours gagne en popularité depuis quelques années. Cependant, mettre en œuvre des initiatives novatrices dans le secteur à but non lucratif comporte des défis. La résistance au changement est fréquente tout comme les inquiétudes quant aux réactions des parties prenantes, deux choses bien compréhensibles. Nous devons rendre des comptes aux bénéficiaires de nos services, à nos partenaires et à nos bailleurs de fonds.
À Imagine Canada, il nous a fallu près d’un an pour nous préparer au projet pilote. Nous voulions nous assurer que la participation au projet n’allait pas perturber nos services, nuire à la qualité de notre travail ou diluer notre impact.
Aujourd’hui, après plus de dix mois d’essai, nous estimons qu’il est temps de faire un compte rendu honnête de notre expérience jusqu’à maintenant. Commençons par les points positifs. Il est clair que la journée de congé additionnelle a amélioré le moral et le bien-être du personnel – divers sondages le confirment, notamment notre sondage interne et un sondage mené par le groupe de recherche Four Day Week Global. Dans l’ensemble, les membres du personnel expriment à quel point le nouvel horaire leur plaît. Cette journée de congé supplémentaire nous permet de réaliser notre potentiel humain : parmi nos employé.e.s, une personne a décidé de poursuivre ses études en vue d’obtenir une maîtrise, une autre peut dorénavant consacrer plus de temps à sa foi, d’autres font du bénévolat. Certains membres de notre personnel sont parents ou s’occupent d’un membre de leur famille. La journée de congé supplémentaire le vendredi leur permet d’accomplir les tâches ménagères, de faire les emplettes, de prendre leurs rendez-vous, etc., de telle sorte qu’ils peuvent passer du temps de qualité avec leur famille pendant le week-end. Cette journée peut aussi être l’occasion de se reposer et de récupérer, et de revenir au travail en pleinement reposé.e le lundi. Oui, il arrive que certains membres de notre personnel travaillent quelques heures le vendredi, mais ce n’est jamais imposé. Bien que nous encouragions tout le monde à décrocher complètement du travail, les employé.e.s gèrent leur temps et leur emploi du temps. Dans l’ensemble, la grande majorité de l’équipe a pleinement adopté la semaine de travail de quatre jours.
Vous êtes maintenant toutes et tous curieux de savoir si nous sommes aussi productifs qu’avant, comme le suggèrent les études. Nous avons recueilli des données sur la productivité et la charge de travail à l’aide de 48 indicateurs de bien-être et de rendement. Jusqu’à présent, les résultats montrent que, globalement, le niveau de productivité s’est maintenu, affichant une légère hausse dans certains domaines et une légère baisse dans d’autres.
Par souci de transparence, nous vous présentons quelques-unes des mesures obtenues :
- Amélioration de 66 % du bien-être mental, physique et émotionnel général parmi les membres de l’équipe d’Imagine Canada
- Augmentation de 105 % de la satisfaction quant à l’équilibre travail-vie personnelle
- Réduction de 40 % des jours de congés de maladie
- Taux de rétention actuel du personnel de 100 %
- Nous n’atteindrons pas nos objectifs financiers pour 2023. La plupart des facteurs expliquant le manque à gagner dans les revenus ne sont pas liés à la semaine de travail de quatre jours
- Le nombre d’analyses, de lettres d’opinion et de documents de mobilisation des connaissances créés dans le cadre de campagnes stratégiques a augmenté de 86 %
- Augmentation de 20 % du nombre de membres
- Baisse de 12 % du nombre de visites uniques à imaginecanada.ca
Dans l’ensemble, nous sommes plus confiants qu’à pareille date l’an dernier quant à notre capacité à mener à bien le plan opérationnel de cette année. Il convient toutefois de noter que le projet pilote avait entre autres pour but d’ajuster notre charge de travail. Avant le lancement du project pilote, notre charge de travail était systématiquement supérieure à notre capacité réelle. Cela peut parfois sembler être encore le cas, mais nous nous sommes résolument efforcés d’avoir des attentes plus réalistes. Pour y parvenir, il fallait d’abord et avant tout établir les priorités, et ce travail se poursuit. Nous consacrons notre temps aux activités les plus importantes et les plus pertinentes en matière d’impact. Nous avons également réduit le nombre de réunions internes hebdomadaires, notamment en en réduisant la fréquence. Nous demandons aux employé.e.s de ne pas réunion n’a lieu le lundi après-midi afin de pouvoir se concentrer sur des tâches essentielles. Notre objectif a toujours été de trouver le bon équilibre. Nous y sommes presque.
Un avantage indéniable de la semaine de travail de quatre jours est qu’elle facilite le maintien en poste des talents et le recrutement de nouveaux talents. Aucun membre du personnel n’a quitté l’organisation depuis le début du projet pilote et depuis le lancement de la période d’essai. Des personnes rencontrées pour de nouveaux postes depuis le début du projet pilote nous ont dit que la semaine de travail de quatre jours constituait un des principaux avantages de travailler à Imagine Canada. En outre, le nombre de jours de maladie pris par les membres du personnel cette année a diminué de 40 %.
Globalement, l’expérience a été très positive. Mais dans un souci de transparence, nous tenons à être honnêtes avec vous. Bien que tous les indicateurs témoignent d’une expérience positive et ne fassent état d’aucun effet négatif sur les retombées de notre travail, la semaine de travail de quatre jours n’est pas une pratique de travail universellement acceptée. Pour nous, à Imagine Canada, cela s’est traduit par une réduction des possibilités liées à certains financements anticipés, car cette nouvelle pratique de travail ne correspondait pas à la vision d’un potentiel bailleur de fonds en particulier.
Nous avons bon espoir que la poursuite des discussions avec ce bailleur de fonds mènera à un résultat positif. Mais nous conseillons aux organisations qui pourraient se retrouver dans une situation similaire de communiquer ouvertement avec les bailleurs de fonds et de mesurer les répercussions de la semaine de travail de quatre jours : assurez-vous de faire le suivi de divers paramètres faciles à comprendre pour les bailleurs de fonds et faites preuve de transparence en ce qui concerne les résultats, qu’ils soient positifs ou non.
Nous sommes conscients que nous sommes privilégiés de pouvoir mener ce projet pilote. Nous savons que ce ne sont pas toutes les organisations qui peuvent se le permettre, et ce, pour diverses raisons, une des principales étant le manque de ressources dû à la rareté du financement. Nous espérons donc que les bailleurs de fonds aideront les organisations qui tentent d’innover pour garder les membres de leur personnel et demeurer compétitives dans un contexte de marché du travail compétitif, et dans un secteur où les ressources sont limitées.
La semaine de travail de quatre jours peut changer la vie des membres de votre personnel et transformer votre organisation, mais elle peut aussi comporter certains risques. Heureusement, la majorité de nos partenaires et bailleurs de fonds nous soutiennent et comprennent l’objectif que nous visons avec la semaine de travail de quatre jours. Plus important encore, ils nous font confiance quant à la manière de gérer de façon optimale notre organisation. Nous sommes reconnaissants de leur soutien et de celui de nombreux autres acteurs du secteur.
Après mûre réflexion, nous avons décidé de prolonger la période d’essai et de maintenir la semaine de quatre jours pour l’année 2024, avec une réévaluation prévue en septembre 2024 quant à son adoption à plus long terme. Cela nous permettra de collecter plus de données et de mieux mesurer le succès de l’initiative.
Nous espérons que notre expérience incitera d’autres organisations, y compris des bailleurs de fonds, à réfléchir à ce qu’est le travail décent dans notre secteur.