Aujourd’hui, la question ne se pose plus de savoir si nous vivons une période d’incertitude. Nous avons dépassé ce stade. La question, désormais, est de savoir comment passer de la protection de nos espaces respectifs à une véritable collaboration entre les entreprises et les organismes à but non lucratif (OBNL).
C’est cette transition que nous avons abordée récemment lors d’un webinaire offert dans le cadre de la série de formations du Réseau PRISME. Parrainée par YourCause from Blackbaud, cette séance de formation a réuni des dirigeant.e.s d’entreprises et d’OBNL pour discuter de questions environnementales et sociales, de gouvernance, d’investissements communautaires et de ce qu’il faut pour maintenir des partenariats efficaces lorsque tout semble dérailler. Les discussions ont été à la fois sérieuses et stimulantes.
La crise interdépendante que nous vivons actuellement
Anshula Chowdhury, du Collège St. Michael’s de l’Université de Toronto, a clairement exposé le problème : vents contraires sur le plan politique, pressions économiques liées aux droits de douane, taux d’intérêt élevés, crises climatiques qui épuisent le budget des ménages, concurrence accrue pour obtenir des financements à impact. Tout cela en même temps.
Le plus frappant n’est pas la liste en soi, qui nous concerne tous et toutes, mais bien la manière dont ces pressions sont liées entre elles. Les phénomènes météorologiques extrêmes causés par les changements climatiques n’ont pas seulement des impacts environnementaux, ils ont aussi pour conséquence de détourner les fonds d’urgence destinés au développement communautaire à long terme, de perturber les actifs financiers, de faire grimper les primes d’assurance, de réduire les budgets des entreprises et de diminuer les dons de bienfaisance des ménages.
Comme l’a dit Anshula : « Lorsqu’un secteur traverse une période difficile, les partenariats communautaires sont touchés dans tous les domaines. »
C’est la réalité que nous devons prendre en compte, et non pas contourner.
Le retrait discret et le choix à venir
Narinder Dhami, de New Power Labs, a brossé le tableau à l’aide de données. Une étude de Harvard révèle que le soutien aux propositions environnementales et sociales présentées par les actionnaires est passé d’environ 8 % à quelque 11 % à 14 %. En contrepartie, les actionnaires rejettent également massivement les propositions anti-DEI (diversité, équité et inclusion), dont le taux de soutien moyen est de seulement 1,4 %.
Au Canada, on observe davantage une pause qu’un retrait total. Les entreprises ayant des activités aux États-Unis subissent des pressions pour réduire les risques liés à leurs engagements publics, réévaluer leurs engagements climatiques ou se désengager de certains indicateurs DEI.
Après 2020, nous avons assisté à une recrudescence de nouveaux engagements de la part des entreprises sous l’effet de la pandémie, du meurtre de George Floyd et de la découverte des tombes communes des pensionnats autochtones. Nous vivions une tempête parfaite qui a réveillé notre conscience collective, comme nous l’avons décrit dans notre rapport Sonner l’alarme : Explorer de nouvelles avenues pour l’investissement communautaire des entreprises au Canada.
Cependant, bon nombre de ces efforts étaient fragmentés, limités dans le temps et, souvent, purement symboliques. Le secteur de l’impact social se trouve maintenant à la croisée des chemins. Faut-il reconstruire sur des bases plus solides ou continuer à apporter des ajustements marginaux?
La voie à suivre exige une audace constante et une collaboration étroite entre le monde des affaires et le secteur à but non lucratif. Elle nécessite aussi un apprentissage approfondi et pratique, qui ne peut se faire que lorsque nous travaillons ensemble pour surmonter les difficultés.
Ce qui fonctionne actuellement
Dans son travail quotidien, Farrah Rooney, de Bénévoles Canada, est témoin de beaux exemples de collaboration, comme le partenariat entre une grande institution financière canadienne et la Croix-Rouge canadienne pour former des employé.e.s à devenir des bénévoles prêts à intervenir en cas de catastrophe. Ces employé.e.s peuvent être envoyés sur le terrain pendant 10 jours maximum, tout en continuant d’être rémunérés par leur entreprise, puis revenir en tant que membres de la communauté, prêts à faire face aux catastrophes et à transmettre les connaissances acquises à leurs collègues et à leur entourage.
Andrew Troup, de YourCause from Blackbaud, a également fait part d’une bonne nouvelle : de nombreuses entreprises maintiennent ou augmentent le budget de leur programme de mobilisation des employé.e.s. L’étude réalisée par son équipe, en collaboration avec l’Association of Corporate Citizenship Professionals, révèle que même si les initiatives opérationnelles et de subventionnement subissent des pressions, les entreprises continuent d’investir dans des programmes qui favorisent la satisfaction du personnel, le maintien en poste et le recrutement de talents.
Le défi de la mesure de l’impact
Le projet de loi C‑59 modifie la nature des rapports sur les impacts environnementaux et sociaux, et les entreprises cherchent à se conformer aux normes internationales. Cela devrait être simple, sauf que les normes internationales en question sont en constante évolution.
Les entreprises ont besoin de données plus rigoureuses pour établir leurs analyses de rentabilité internes. Les OBNL doivent composer avec une réduction du financement, une hausse de la demande et un alourdissement des obligations en matière de reddition de comptes. Il s’agit là d’un paradoxe qui crée une réelle tension.
Andrew Troup a clairement expliqué que la mesure de l’impact n’est pas une nouveauté ni une exigence récente dans les partenariats : elle fait partie intégrante des relations solides depuis des années. Les entreprises ont toutefois désespérément besoin de ces données aujourd’hui pour démontrer le rendement des investissements en interne, que cela concerne le maintien en poste du personnel, la résilience communautaire ou les résultats de l’entreprise.
Ce que signifie être solidaire
Alors, comment passons-nous concrètement de la résistance à la solidarité?
Pour y parvenir, il faut voir l’investissement communautaire pour ce qu’il est vraiment : un investissement stratégique dans la résilience et la force des communautés où les entreprises mènent des activités. Lorsque les entreprises investissent vraiment dans une communauté, elles investissent dans la stabilité des marchés et dans des viviers de talents dont elles dépendent. C’est une façon de réduire les risques, mais aussi de créer de la valeur à long terme.
Cela implique d’établir des systèmes de partenariat prêts à faire face aux crises. Nous ne reviendrons pas « à la normale ». Les bouleversements vont se succéder, de sorte que nous devons adapter nos partenariats à cette réalité. Cela signifie renforcer les capacités en matière de mesure même lorsque les ressources sont limitées, car c’est ce qui garantit la crédibilité et la viabilité à long terme du travail à impact social.
Et cela signifie également résister à l’isolement.
C’est un point qui a été maintes fois soulevé au cours des discussions. Tant de gens qui font ce travail, dans le secteur privé comme dans le secteur à but non lucratif, font partie d’une petite équipe d’une ou deux personnes seulement qui doivent supporter seules toute la pression. Farrah Rooney l’a dit clairement : « Je me sens généralement plus motivée lorsque je participe à une table ronde ou à une conférence, lorsque je me rapproche de la communauté, lorsque je participe à des conversations, lorsque je résiste à l’isolement. »
Elle a raison, ce travail peut être solitaire. On fait souvent face à des pressions complexes sans que personne dans notre entreprise ne comprenne pleinement ce que l’on vit. C’est précisément pour cette raison qu’il est important de se réunir. Non pas uniquement pour bénéficier de nos connaissances respectives, mais bien pour nous rappeler que nous ne sommes pas seul.e.s dans cette situation. D’autres personnes font face aux mêmes défis, se posent les mêmes questions et tentent de continuer à faire un travail qui est important.
Nous sommes plus efficaces en unissant nos forces qu’en protégeant chacun notre espace.
Quelle est la prochaine étape?
La prochaine étape se déroulera le 3 décembre prochain au Musée de Vancouver, où nous vous accueillerons dans le cadre du Community Impact Exchange. Cet événement, qui réunira des cadres supérieurs d’organismes à but non lucratif, des équipes chargées de la responsabilité sociale des entreprises, des bailleurs de fonds et des spécialistes en mesure d’impact, donnera lieu à un dialogue stratégique intersectoriel.
L’événement, qui fait partie de la série de formations du Réseau PRISME, prendra la forme d’une rencontre en personne volontairement intimiste qui portera sur les défis d’ordre pratique que posent la démonstration du rendement des investissements et la communication de l’impact dans le respect des principes fondés sur la confiance. Dans ce contexte, il est tentant de laisser les exigences en matière de mesure de l’impact éclipser le travail relationnel qui, en fin de compte, garantit l’efficacité des partenariats, mais les deux vont de pair.
La journée du 3 décembre comprendra une présentation d’ouverture par nos ami.e.s de chez New Power Labs, des discussions entre expert.e.s, un atelier interactif coanimé par True Impact et une période de réseautage, car les liens que nous tissons sont tout aussi importants que les informations et les connaissances que nous échangeons.
S’inscrire au Community Impact Exchange
S’il y a une chose à retenir de notre webinaire, c’est la suivante : nous sommes plus efficaces unis que sur la défensive. Et c’est précisément ce à quoi nous aspirons, c’est-à-dire établir des partenariats suffisamment solides pour affronter ce qui nous attend.
Le Réseau des entreprises engagées PRISME est la principale communauté canadienne d’entreprises résolues à réinventer les partenariats entre entreprises et organismes à but non lucratif. L’investissement communautaire des entreprises membres du Réseau est de l’ordre de près d’un milliard de dollars par an. En savoir plus sur l’adhésion au Réseau PRISME.
Vous avez manqué la séance en direct? Regardez l’enregistrement ici.