Plus d’un an s’est écoulé depuis le début de la pandémie de COVID‑19, et les effets de cette crise se font encore grandement sentir dans le milieu des organismes caritatifs partout au pays. La plus récente édition de notre Enquête sectorielle lève la lumière sur les répercussions persistantes de la pandémie sur le secteur et avance que la relance sera difficile pour de nombreux organismes.
Une pandémie inégale : beaucoup d’organismes caritatifs continuent de subir des effets graves, tandis que d’autres se portent bien
- Plus de 4 organismes sur 10 continuent d’enregistrer des baisses de revenu.
- Ces organismes ont perdu 44 % de leurs revenus en moyenne, un chiffre inchangé depuis notre dernière Enquête réalisée à la fin de 2020, et plus de la moitié d’entre eux déclarent des pertes de revenus de plus de 40 %.
- En même temps, environ un tiers des organismes affirment maintenant que leurs revenus atteignent à peu près leur niveau prépandémie, et près d’un quart rapportent une augmentation de leurs revenus
Ses résultats correspondent à ce que l’on observe dans l’ensemble de l’économie, où certaines industries sont beaucoup plus touchées par la pandémie et où certaines industries touchées prendront beaucoup plus de temps que les autres à se remettre de cette crise. À titre d’exemple, les revenus dans l’industrie touristique se sont évaporés d’un seul coup en mars 2020 et ne se rétabliront pas avant plusieurs années, considérant que pour beaucoup de personnes, l’envie de voyager se heurtera aux préoccupations financières, aux exigences d’entrée complexes et sans cesse changeantes, de même qu’à la peur persistante du virus. Dans d’autres industries, les recettes ont été moins affectées dès le début et montrent déjà des signes évidents de croissance (p. ex. l’industrie manufacturière).
Les économistes parlent alors d’une reprise en forme de K. Dans ce scénario, suivant une récession, certaines industries retrouvent leur force, tandis que d’autres stagnent ou poursuivent leur déclin.
56 % des organismes de bienfaisance éprouvent des difficultés et risquent de ne pas retrouver leur santé prépandémie
Deux groupes d’organismes demeurent dans une situation difficile et risquent de ne pas se rétablir de la crise :
- Les organismes qui ont connu une importante baisse de la demande devant l’impossibilité de mener leurs activités et d’offrir leurs programmes et services en raison des restrictions en matière de santé publique (14 % de tous les organismes).
- Les organismes dont les capacités ne suffisaient pas à répondre à la demande pour leurs programmes et services (42 % de tous les organismes).
44 % des organismes se portent mieux et sont sur la voie du rétablissement
- Les organismes dans ce groupe déclarent suffire à la demande.
Des organismes qui éprouvent des difficultés, car l’impossibilité de mener leurs activités s’est traduite par une importante baisse de la demande
- Les organismes des arts, de la culture et des loisirs sont plus susceptibles de se retrouver dans cette catégorie, tout comme les organismes de petite taille et les organismes qui vivent surtout de revenus gagnés.
- 82 % des organismes dans cette catégorie rapportent des baisses de revenus, soit près de 46 % en moyenne.
- Chez les organismes des arts, de la culture et des loisirs dans cette catégorie, les revenus ont diminué de 59 % en moyenne.
Les organismes dans cette catégorie sont les plus durement touchés par la pandémie, et ce à plusieurs égards. Il leur a été impossible de maintenir leurs activités pendant plus d’un an en raison des mesures de lutte contre la pandémie. On n’a qu’à penser aux centres d’arts de la scène, aux musées, aux festivals de musique, aux organismes exploitant des installations de soins de santé ou de mise en forme, et à tous ceux qui offrent différents programmes présentés en personne aux enfants, personnes âgées et d’autres individus.
Plus de 80 % de ces organismes rapportent une diminution de leurs revenus. Bien que leurs dépenses ont, elles aussi, diminué, ce recul n’égale que rarement la perte de recettes. Ce décalage s’explique par les frais importants (p. ex. l’hypothèque, le loyer, l’assurance, la comptabilité, la paie, l’audit, l’infrastructure informatique) que la plupart des organismes doivent couvrir et continuer à payer, quelle que soit leur capacité de fonctionnement.
Pour ces organismes, la situation ne s’est guère améliorée. En fait, elle est plus critique que jamais. Leur relance sera probablement longue et lente, et certains d’entre eux seront contraints de mettre la clé sous la porte.
Ils semblent toutefois trouver une lueur d’espoir dans le progrès de la campagne de vaccination et la levée graduelle des restrictions au pays, car ils se montrent quelque peu plus optimistes lorsqu’il est question de la demande : environ deux organismes sur cinq disent s’attendre à une augmentation de la demande dans les trois à six prochains mois.
Des organismes qui éprouvent des difficultés, car la demande pour leurs programmes et services dépasse leur capacité à y répondre
- Cette catégorie comprend davantage d’organismes de moyenne ou de grande taille et moins d’organismes des arts, de la culture et des loisirs; autrement, elle affiche une grande diversité.
- La moitié des organismes dans cette catégorie rapportent une baisse de revenus, soit un peu moins de 16 % en moyenne.
- Plus de deux tiers d’entre eux s’attendent à une augmentation continue de la demande, mais ils sont moins que la moitié à penser la même chose de leurs capacités.
Pendant la pandémie, les Canadien.ne.s ont été plus nombreux à se tourner vers les organismes de bienfaisance pour obtenir de l’aide et du soutien. Par conséquent, l’ensemble du secteur a connu une augmentation constante de la demande pour les programmes et services qu’il offre. Après plus d’un an de pandémie, près de la moitié des organismes rapportent une hausse de la demande, contre environ un tiers 12 mois plus tôt. Qui plus est, 60 % d’entre eux estiment que cette augmentation se poursuivra et presque 20 % disent qu’ils s’attendent à ce qu’elle soit importante.
L’augmentation de la demande pour les programmes et services n’est pas un problème en soi. Elle en devient un lorsque les organismes ne sont pas en mesure d’adapter leurs capacités à la demande accrue. Malheureusement, c’est la situation vécue par de nombreux organismes pendant la pandémie : la demande s’est accentuée et les capacités nécessaires pour y répondre n’ont connu aucune augmentation ou une augmentation insuffisante. Dans notre plus récente Enquête, deux organismes sur cinq tombent dans cette catégorie, contre un sur cinq il y a un an.
La plupart des organismes dans cette catégorie ne s’attendent à aucun changement de leur situation dans un avenir proche. Ils sont 70 % à s’attendre à une hausse continue de la demande, mais seulement la moitié d’entre eux anticipent une amélioration de leur capacité à satisfaire cette demande accrue.
Le personnel autant que les bénévoles de ces organismes sont probablement débordé.e.s, fatigué.e.s et stressé.e.s. Il est d’autant plus inquiétant que beaucoup de personnes ne reçoivent pas tous les services dont elles ont besoin ou doivent attendre beaucoup plus longtemps que d’habitude pour les obtenir. Les personnes faisant nouvellement partie de la clientèle de ces organismes pourraient ne pas recevoir de services du tout. Ces besoins non comblés entraîneront des conséquences avec lesquelles le Canada devra vraisemblablement composer pendant des années à venir.
Qu’en est-il de l’avenir?
- Près de 1 dirigeant.e d’organisme sur 4 estime que son organisation ne pourra continuer à fonctionner pendant plus d’un an; cette proportion est d’un sur trois parmi les organismes qui ont connu un effondrement de la demande dû aux mesures de santé publique.
- La plupart des dirigeant.e.s s’attendent à ce que la santé financière de leur organisme ne changera pas significativement au cours des prochains mois, mais ils.elles sont désormais 1 sur 7 à s’attendre à une amélioration (contre 1 sur 14 l’an dernier).
- Une majorité des dirigeant.e.s affirment s’attendre à une stabilité (59 %) ou à une augmentation (25 %) des effectifs au cours des prochains mois.
Les expériences des organismes durant la pandémie influencent considérablement leurs prévisions. Ceux qui ont connu une baisse importante de la demande sont plus susceptibles que les autres à affirmer qu’ils ne pourront maintenir leurs activités pendant plus de 12 mois; que leur santé financière se dégradera probablement et que le nombre d’employé.e.s et de bénévoles dans leur organisation diminuera.
Ceux aux prises avec un déséquilibre entre la demande et leurs capacités sont quelque peu plus optimistes. La plupart d’entre eux estiment qu’ils pourront maintenir leurs activités pendant plus de 12 mois ou pendant une période indéfinie et que leur santé financière demeurera probablement inchangée, au moins pendant les prochains mois, tout comme le nombre de leurs employé.e.s et bénévoles.
Les organismes qui ont été en mesure de répondre à la demande pour leurs programmes et services affichent le plus grand optimisme. Près de trois quarts d’entre eux disent qu’ils pourront maintenir leurs activités pendant plus de 12 mois ou indéfiniment et que leur santé financière restera probablement inchangée au cours des prochains mois. Ils sont d’ailleurs plus enclins à prévoir une augmentation des effectifs, mais pas du nombre de bénévoles.
Ces résultats donnent à penser que les expériences des organismes durant la relance seront variées, comme l’ont été leurs expériences durant la pandémie. Plusieurs remontent déjà la pente, tandis que d’autres connaîtront des difficultés pendant quelque temps encore.
Effet domino : répercussions sur la santé mentale du personnel
- La moitié des organismes ont augmenté le temps et les ressources consacrés à la santé mentale et au bien-être de leur personnel et de leurs bénévoles.
- Toutefois, à peine un peu plus d’un tiers des organismes offrent un programme d’aide aux employé.e.s ou une ressource semblable à leur personnel et leurs bénévoles.
La pandémie a eu un effet considérable sur la santé mentale de beaucoup de Canadien.ne.s, et le personnel et les bénévoles des organismes de bienfaisance n’y font pas exception. Nul ne doute que la pression créée par la demande accrue et le stress causé par des congédiements et la perte de revenus a infligé un coup dur à la main-d’œuvre du secteur.
L’Enquête démontre que les organismes ont redoublé d’efforts pour veiller au bien-être de leurs équipes. Depuis le début de la pandémie, presque la moitié d’entre eux ont bonifié le temps et les ressources consacrés à la santé mentale et au bien-être de leur personnel et de leurs bénévoles.
Toutefois, seulement 36 % des organismes offrent actuellement un programme d’aide aux employé.e.s ou une ressource semblable à leur personnel et leurs bénévoles, suggérant que certaines personnes ayant besoin de soutien ne le reçoivent vraisemblablement pas.
Cette réalité est d’autant plus préoccupante que 77 % de la main-d’œuvre du secteur est féminine. Plusieurs études ont démontré que les femmes ont été affectées de manière disproportionnée par la pandémie, car en plus de leur travail, elles doivent souvent assurer la garde d’enfants ou prendre soin d’autres membres de la famille.
Les conséquences d’un secteur caritatif en difficulté pour la collectivité
Lorsque les organismes de bienfaisance ne sont pas en mesure d’offrir leurs services et programmes ni de répondre à la demande, certaines personnes n’obtiennent pas l’aide dont elles ont besoin. Au fur et à mesure que les gens recommencent à participer à la vie dans leur collectivité, avec la réouverture d’installations comme les centres communautaires et les bibliothèques et la remise en place de différents programmes, la demande continuera d’augmenter au cours des prochains mois.
Parmi les organismes qui éprouvent le plus de difficultés sont ceux qui ont dû suspendre leurs activités jusqu’à maintenant. Lorsque ces organismes reprendront leurs programmes et services, ils chercheront à diversifier leurs sources de revenus. D’autres organismes qui ont enregistré une baisse de revenus auront également besoin de soutien, y compris ceux pour qui les activités génératrices de revenus représentent la principale source de financement. On peut s’attendre à ce que l’aisance avec laquelle les gens participaient autrefois aux activités en groupe et aux événements de grande ampleur ne se réinstalle pas de si tôt.
Par conséquent, nous assisterons fort probablement à une concurrence accrue pour les différentes sources de financement, notamment les dons. Or, au moment où les dons sont plus nécessaires que jamais, notre précédente Enquête sectorielle et le Rapport sur les dons publié récemment par CanaDon font état d’un recul général inquiétant de cette source de revenus.
Le Canada se dirige résolument vers la réouverture et la relance, mais en raison de leurs modèles de revenu, beaucoup d’organismes de bienfaisance connaîtront une période de rétablissement plus longue que le reste de l’économie. C’est particulièrement le cas pour les organismes qui accusent déjà un retard. Les mesures d’aide du gouvernement, une bouée de sauvetage pour de nombreux organismes qui leur aura permis de continuer à offrir programmes et services, prendront fin au fur et à mesure que l’économie rouvre. Le vide de financement qui risque d’en résulter pourrait signer l’arrêt de mort de nombreux organismes, même lorsque la pandémie sera considérée comme généralement terminée. Une telle situation placerait les organismes et leurs communautés devant un sérieux défi au moment où la demande atteindra un sommet postpandémie sans précédent.
À propos du rapport
Le rapport présente les résultats d’une enquête nationale auprès de 1 219 dirigeant.e.s d’organismes de bienfaisance qui ont répondu à notre questionnaire en ligne entre le 20 avril et le 7 mai 2021. Toutes les réponses ont été pondérées selon la taille organisationnelle, le domaine d’activité, la région géographique, la source de revenus principale et la présence de personnel rémunéré afin d’obtenir des estimations plus représentatives de l’ensemble des organismes de bienfaisance. Les comparaisons historiques réfèrent à la première et la deuxième de nos enquêtes de suivi de la COVID‑19 réalisées respectivement au printemps et à l’automne 2020. Outre les principaux résultats, le rapport contient de l’information détaillée en fonction de la taille organisationnelle, du sous-secteur et de la source de revenus principale. En raison de l’utilisation de données tirées du formulaire T3010 aux fins de pondération pour assurer une meilleure représentativité, l’enquête tient compte seulement des organismes de bienfaisance canadiens enregistrés. Nous vous invitons à lire le rapport au complet pour connaître tous les résultats.