Budget de 2024 : une reconnaissance accrue des organismes à but non lucratif et de bienfaisance ouvrira-t-elle la voie à des réformes fondamentales du secteur?
Le budget de 2024 tient compte du plaidoyer du secteur sur des questions allant du crédit d’impôt aux personnes handicapées à la crise du logement, en passant par la littératie financière et par une stratégie nationale d’action bénévole, dans des engagements qui révèlent une collaboration et la reconnaissance du secteur à but non lucratif plus délibérées dans l’élaboration des politiques sur ces problèmes complexes.
Les mesures de soutien structurel visant à améliorer la capacité des organismes et à maintenir la viabilité du secteur ne sont pas mises en évidence dans le budget, bien que certains progrès attribuables au plaidoyer du secteur soient incontestables. Certaines propositions figurant au budget créent pour les organismes des possibilités d’influencer le processus décisionnel fédéral en promouvant les intérêts et les priorités du secteur.
Le secteur à but non lucratif sera représenté au sein d’un nouveau conseil consultatif sur les sciences et l’innovation qui orientera les investissements fédéraux pour la recherche dans ces domaines. Comme les organismes de bienfaisance et à but non lucratif souhaitent collaborer avec le gouvernement à l’adaptation numérique et à d’autres soutiens de l’innovation, l’intégration d’un point de vue pansectoriel à l’établissement des objectifs est peut-être envisageable. Le plan du gouvernement pour le logement prévoit le financement et le co-investissement philanthropique, conjointement avec d’autres secteurs (ce qui présente un intérêt pour les promoteurs de la contribution des organismes de bienfaisance à l’investissement d’impact), ainsi que l’octroi de prêts et de subventions aux fournisseurs de logements à but non lucratif.
Dans le contexte de la double pénurie de bénévoles et de main-d’œuvre subie par les organismes, le Comité des finances de la Chambre des communes avait demandé, dans le cadre de ses consultations budgétaires, que le gouvernement « finance la création et la mise en œuvre d’une stratégie de perfectionnement de la main-d’œuvre en collaboration avec le secteur de la bienfaisance ». Le budget de 2024 ignore les problèmes de main-d’œuvre à l’échelle du secteur, mais prévoit un engagement de 400 000 $ pour une stratégie nationale d’action bénévole, en partenariat avec Bénévoles Canada. Des efforts seront déployés pour assurer la participation des organismes à but non lucratif et de bienfaisance à la création d’une table sectorielle sur l’économie des soins et d’une stratégie nationale sur la prestation de soins.
Le budget de cette année apporte des modifications supplémentaires à la proposition du budget de 2023 d’élargir le champ d’action de l’impôt minimum de remplacement (IMR) en lui ajoutant deux incitatifs fiscaux aux dons de bienfaisance. Dans le cadre du calcul de l’IMR, une mesure qui vise à faire en sorte que les contribuables bénéficiant de crédits et de déductions demeurent assujettis à un montant minimum d’impôt sur le revenu, le crédit d’impôt pour dons de bienfaisance est modifié (80 % de sa valeur) et le taux d’inclusion des gains en capital est de 30 % (après avoir été de 0 %) pour les dons de titres publics, comme les actions et les fonds communs de placement. Les efforts de plaidoyer déployés par le secteur au cours de l’année dernière pour protéger les revenus des dons ont entraîné une modeste augmentation de la valeur du crédit d’impôt dans le nouveau calcul (le taux de 50 % proposé pour le crédit d’impôt pour dons de bienfaisance est passé à 80 % dans le budget de 2024), tandis que le taux d’inclusion des gains en capital proposé demeure inchangé à 30 %. Les changements plus généraux à la politique fiscale qui ont été annoncés pourront influer sur les décisions de donner des titres publics directement aux organismes de bienfaisance, mais des travaux de recherche sont nécessaires pour déterminer les effets du nouvel IMR et des autres mesures fiscales proposées, dont l’augmentation globale de l’imposition des gains en capital, sur les revenus de notre secteur.
Le Comité directeur du Groupe de travail sur la réforme du financement (GTRF) – une nouvelle coalition de plus de 20 organismes qui cherchent à rendre le financement fédéral plus équitable et plus efficace – est déçu que les problèmes systémiques de financement ne soient pas reconnus, malgré les recommandations du Comité des finances de la Chambre des communes qui a réclamé le financement de base et le soutien des organismes pour plusieurs domaines d’activité de notre secteur. Le renouvellement du financement d’Indigenous Youth Roots – un organisme dirigé par des jeunes qui œuvre auprès des jeunes des communautés à l’échelle nationale – est une réponse limitée à l’appel à l’action 66 de la Commission de vérité et réconciliation qui réclame un financement à long terme des organismes œuvrant auprès des jeunes. Le soutien du programme Emplois d’été Canada a poursuivi sa tendance à la baisse, malgré le plaidoyer vigoureux des organismes à but non lucratif qui ont fait la promotion de l’importance de ce programme pour la capacité des organismes à but non lucratif. Les membres du GTRF poursuivront leur plaidoyer sur les enjeux de longue date, comme le manque de financement de base, la brièveté des périodes de financement, le fardeau administratif excessif et l’aversion disproportionnée au risque des politiques et des pratiques de financement fédéral.
Les dirigeants de la Coalition pour les données fédérales sur le secteur à but non lucratif constatent l’absence de mesures concernant les priorités liées aux données du secteur dans le budget de cette année. Dans son Mémoire prébudgétaire, appuyé par 33 signataires de l’ensemble du secteur, la Coalition a recommandé des mesures de bon sens pour obtenir les données nécessaires au processus décisionnel des organismes et du gouvernement en matière de planification de la main-d’œuvre et de conception des programmes et des politiques. La Coalition continuera de réclamer cette année des données plus nombreuses et de meilleure qualité pour le secteur à but non lucratif.
D’autres réformes fondamentales importantes, comme la création d’une place au sein du gouvernement pour le secteur et le soutien de l’adaptation numérique des organismes à but non lucratif, sont absentes.
Plusieurs mesures administratives concernant les organismes de bienfaisance sont proposées.
- Les organismes de bienfaisance étrangers (non enregistrés à titre d’organismes de bienfaisance canadiens) qui effectuent un travail humanitaire urgent ou de secours en cas de catastrophe à l’étranger pourront maintenir leur statut de donataire reconnu et recevoir des dons de Canadien.ne.s pendant 36 mois (et non plus pendant 24 mois, après quoi ils devront renouveler leur statut).
- Des fonds sont alloués à la Direction des organismes de bienfaisance de l’ARC pour administrer les nouvelles règles du contingent des versements.
- Des mesures de simplification visent à faciliter l’émission des reçus de don par les organismes de bienfaisance enregistrés, y compris en les émettant par voie électronique.
- Les organismes de bienfaisance sont invités à s’inscrire dans un compte en ligne Mon dossier d’entreprise (MDE) pour recevoir les avis de conformité sous forme numérique et non plus par courrier recommandé.
- La création d’un portail d’authentification unique pour les services du gouvernement fédéral est annoncée, mais on ne sait pas encore si elle concerne les organismes.
Imagine Canada communiquera avec le secteur au sujet de ces changements au fur et à mesure de leur entrée en vigueur au cours de l’année.
Le budget de 2024 ne répond pas aux problèmes fondamentaux qui touchent notre secteur dans son ensemble. Le secteur continuera de réclamer les changements structurels nécessaires à un secteur de la bienfaisance et à but non lucratif renforcé pour servir les communautés.