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Quelles tendances influeront sur les organismes de bienfaisance et les OBNL au troisième trimestre de 2024?

Quelles tendances influeront sur les organismes de bienfaisance et les OBNL au troisième trimestre de 2024?

Femme souriante tenant un graphique
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La préparation en vue des élections fédérales et la méfiance de la population à l’égard de l’innovation sont deux tendances à surveiller pour le troisième trimestre

L’examen du contexte dans lequel a évolué le secteur à but non lucratif cet été révèle que bon nombre des tendances dont nous parlons depuis des années dans la présente série de billets de blogue se confirment : l’inflation ralentit, mais les coûts sont toujours en hausse, les pénuries de main-d’œuvre et de bénévoles persistent et, dans bien des cas, la demande de services dépasse la capacité des organisations à les fournir. Dans le monde entier, les catastrophes naturelles liées au climat continuent de sévir, qu’il suffise de penser aux incendies de forêt dévastateurs dans l’Ouest et le Nord canadien, aux importantes inondations à Toronto et à l’ouragan Beryl qui a dévasté les Caraïbes. 

Dans le présent billet de notre série trimestrielle, nous vous aidons à comprendre deux grandes tendances : la préparation en vue des élections fédérales et la méfiance de la population à l’égard de l’innovation. 

La fièvre électorale marquera la prochaine année

Les derniers mois ont été riches en événements en matière de politique électorale dans le monde. Au Royaume-Uni, les travaillistes ont accédé au pouvoir après plus d’une décennie de règne des conservateurs. En France, un scrutin au ballottage s’est soldé par la victoire des partis de gauche, qui peinent par contre à former un gouvernement. Chez nos voisins du Sud, la campagne présidentielle américaine a été marquée par une tentative d’assassinat du candidat républicain, Donald Trump, et le désistement tardif de Joe Biden, l’actuel président, en tant que candidat démocrate. Il y a un vent de changement et de l’agitation partout, y compris au Canada. Les sondages indiquent que le chef de l’opposition officielle Pierre Poilievre est en tête des intentions de vote et le premier ministre Justin Trudeau subit des pressions pour quitter la tête de son parti en vue des prochaines élections, plus particulièrement depuis la victoire des conservateurs à une élection partielle dans une circonscription jusqu’ici considérée comme un siège assuré pour le Parti libéral. Certains analystes laissent entendre que les résultats des récentes élections anticipées en Europe diminuent la probabilité que les libéraux déclenchent des élections avant la date fixée d’octobre 2025. Cependant, que les élections aient lieu comme prévu à l’automne 2025 ou avant, la politique canadienne au cours de la prochaine année sera grandement marquée par la préparation et le positionnement des partis en vue des élections. 

De nombreuses organisations du secteur commencent à se préparer en vue d’un changement de gouvernement (article en anglais). Celles qui exercent des activités de lobbying auprès du gouvernement fédéral doivent prêter attention aux récents commentaires de Pierre Poilievre qui qualifie les lobbyistes d’entreprise d’inutiles. Nous n’appartenons évidemment pas au secteur des entreprises, mais le manque de compréhension de la population à l’égard de notre secteur fait que nous risquons d’être dépeints de la même manière. Or, en examinant de plus près les commentaires du chef de l’opposition, on constate qu’il y a une voie à suivre pour les lobbyistes du secteur à but non lucratif, car Pierre Poilievre a mentionné que les lobbyistes devront convaincre son gouvernement et les Canadien.ne.s que leurs priorités sont bonnes pour eux, et non pas uniquement pour leur organisation ou leur industrie. La force du secteur à but non lucratif réside dans sa proximité avec la communauté; il faut donc nous appuyer sur cette force lorsque nous établissons et entretenons des relations avec le Parti conservateur.

Les organisations qui travaillent fréquemment avec le gouvernement fédéral doivent se préparer à un éventuel changement de gouvernement en se renseignant sur les positions des partis d’opposition relativement aux questions prioritaires pour elles, et en réfléchissant aux possibilités et aux défis susceptibles de découler d’un changement de gouvernement. Bien entendu, les organismes de bienfaisance enregistrés doivent respecter les lignes directrices de l’Agence du revenu du Canada sur les activités relatives au dialogue sur les politiques publiques ou à leur élaboration et toujours agir de manière non partisane. C’est dès maintenant qu’il faut établir des relations avec tous les partis, car bien des choses pourraient changer d’ici les élections, et il est impossible de prédire qui pourra vous aider à concrétiser une priorité politique, que ce soit depuis les bancs de l’opposition ou autour de la table du conseil des ministres. 

La grande importance accordée à l’innovation ne trouve pas écho auprès de nombreux Canadien.ne.s et risque de nous faire oublier la nécessité de renforcer durablement les capacités

La dernière édition du Baromètre de confiance Edelman fait état du manque de confiance de la population envers la manière dont l’innovation est gérée. Moins de la moitié des Canadien.ne.s (48 %) font confiance aux organisations non gouvernementales en matière d’intégration des innovations dans la société, un résultat semblable aux résultats obtenus pour les entreprises et les gouvernements (49 %) et pour les médias (46 %). Notamment, la confiance de la population canadienne envers une innovation majeure fait cruellement défaut : seulement 31 % des Canadien.ne.s font confiance à l’intelligence artificielle (IA), soit 19 points de pourcentage de moins que la moyenne mondiale. En outre, 54 % des Canadien.ne.s « rejettent » l’IA. 

L’innovation est importante pour de multiples raisons, principalement parce qu’elle permet d’accroître la productivité, de réaliser des économies à long terme et de favoriser l’adaptabilité lorsque l’environnement opérationnel évolue et que de nouveaux besoins surgissent. Ces avantages ne sont cependant pas garantis; une récente analyse de Statistique Canada montre que nous vivons ce qu’on appelle un « paradoxe de l’innovation » selon lequel les investissements substantiels dans l’innovation et la technologie n’ont donné que des résultats modestes en ce qui concerne la hausse de la productivité du travail. Les auteurs de l’étude notent toutefois que l’adoption de l’IA, qui devrait changer la donne, n’en est encore qu’à ses débuts1. Cette dynamique est importante, car les économistes sonnent l’alarme sur la faible productivité du Canada, qui crée un plus grand risque d’inflation.

Selon les résultats de la plus récente Enquête canadienne sur la situation des entreprises, 16 % des organismes à but non lucratif (OBNL) ont mis sur le marché des biens ou de services nouveaux ou grandement améliorés de 2020 à 2023, un pourcentage supérieur à celui des entreprises (12 %)2. Les innovations des OBNL vont de l’amélioration de la convivialité ou de la facilité d’utilisation (34,7 %) à l’ajout de nouvelles caractéristiques ou fonctions (41,6 %) et l’amélioration du rendement (66,0 %). Toutefois, 63,5 % des OBNL qui déclarent avoir innové indiquent aussi que l’innovation récente la plus importante en matière de produits n’est pas encore sur le marché3

Si les OBNL peuvent être enclins à qualifier d’innovations les améliorations qu’ils apportent à leurs produits et services, cela peut parfois verser dans ce que certains universitaires appellent « le discours de l’innovation », terme qui vient de la Silicon Valley, mais qui s’est répandu dans l’ensemble de l’économie. Il est certes bon de célébrer les améliorations, mais il faut se garder de penser que « les nouveautés éclatantes peuvent résoudre tous les problèmes de la société », un état d’esprit qui peut aller de pair avec ce discours de l’innovation. Une trop grande attention portée à la nouveauté peut nous amener à négliger des solutions fiables et existantes, ou à ne pas faire le travail nécessaire pour entretenir correctement les infrastructures et les systèmes existants. Le désir du secteur de présenter ses activités comme innovantes découle de la concurrence féroce pour l’obtention de financements et du fait que certains bailleurs de fonds accordent souvent de l’aide financière à court terme et ne veulent pas financer la même chose plusieurs fois. Or, sachant que notre société se méfie de l’innovation, il est important de réfléchir au discours qui trouvera un écho auprès des communautés que nous servons lorsque nous leur faisons part des changements que nous apportons.

Bien entendu, les innovations dans notre secteur ne sont pas toutes liées à la technologie; de nombreuses organisations proposent de nouveaux modèles de prestation de services dans des domaines aussi variés que l’agriculture urbaine ou les services financiers adaptés aux besoins des communautés musulmanes. En matière d’innovation technologique, le fait est que 36 % des OBNL jugent leurs compétences numériques de base, telles que le courrier électronique et les appels vidéo, passables ou médiocres, et que les salaires des travailleur.euse.s technologiques du secteur à but non lucratif sont inférieurs de 33 % à ceux des travailleur.euse.s technologiques d’autres secteurs d’activité. En ce qui concerne l’innovation numérique en particulier, il est important de ne pas négliger l’essentiel dans notre enthousiasme pour de nouveaux développements plus excitants, comme l’IA. Nous devons ramener une partie de notre attention sur le renforcement des capacités du secteur de manière durable, ce qui permettra des innovations pertinentes à long terme.

 

 

 

1   Statistique Canada. Comprendre le paradoxe de l’innovation au Canada

2  Statistique Canada. Tableau 33-10-0828-01, Biens ou services nouveaux ou grandement améliorés mis sur le marché de 2020 à 2023, deuxième trimestre de 2024.

3  Statistique Canada. Tableau 33-10-0829-01, Innovation de nouveaux produits ou services et récente innovation de produit la plus significative, deuxième trimestre de 2024.

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