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Pourquoi est-il important de financer les organisations qui n’ont pas le statut d’organisme de bienfaisance

Pourquoi est-il important de financer les organisations qui n’ont pas le statut d’organisme de bienfaisance

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Si vous suivez l’actualité politique du secteur à but non lucratif, vous avez probablement entendu parler du projet de loi S-216. Ce projet de loi a déjà été adopté par le Sénat et a été présenté à la Chambre des communes. Il semble que le projet de loi recueille suffisamment de soutien pour être adopté et nous avons bon espoir que la loi sera officiellement promulguée cette année. Dans ce billet de blogue, nous examinons en détail les raisons pour lesquelles cette loi et le financement d’organisations sans statut d’organisme de bienfaisance sont importants.

Projet de loi S-216 en bref

Les organismes de bienfaisance peuvent verser des dons à des « donataires reconnus », c’est à dire d’autres organismes de bienfaisance et plusieurs autres types d’organisations, par exemple une association canadienne enregistrée de sport amateur, l’Organisation des Nations Unies ou une institution qui lui est reliée. Les groupes qui n’ont pas le statut de donataire reconnu sont appelés « donataires non reconnus », mais nous les appellerons « entités sans statut de bienfaisance » dans le présent billet pour simplifier les choses. Selon les règles actuelles, les organismes de bienfaisance peuvent octroyer des fonds à des entités sans statut de bienfaisance dans le cadre d’une initiative mise en oeuvre en partenariat uniquement s’ils concluent un accord en vertu duquel ils maintiennent « la direction et le contrôle » sur les activités de leur partenaire. Cela signifie que l’entité sans statut de bienfaisance devient une branche opérationnelle de l’organisme de bienfaisance. L’organisme de bienfaisance est tenu d’exercer un contrôle opérationnel important. 

Le projet de loi S-216 remplacerait l’exigence pour un organisme de bienfaisance de maintenir « la direction et le contrôle » des activités de l’entité sans statut de bienfaisance partenaire par une exigence de prendre les mesures raisonnables nécessaires pour s’assurer que tous les fonds sont utilisés exclusivement à des fins de bienfaisance. Ce changement vise à garantir la mise en place de mesures efficaces de reddition de comptes et de transparence, tout en réglant certains autres problèmes du système actuel, qui sont examinés ci-dessous.

Des groupes qui n’ont pas le statut d’organisme de bienfaisance apportent beaucoup à leurs collectivités

De nombreux groupes et organismes font un travail formidable même s’ils n’ont pas le statut de bienfaisance. Il n’est pas rare que des organismes de bienfaisance souhaitent travailler avec ces organisations pour faire avancer leurs propres missions. 

Dans le cadre de la rédaction de ce billet de blogue, je me suis entretenue avec deux groupes qui n’ont pas le statut d’organisme de bienfaisance. Ces deux initiatives ont été financées par la Toronto Foundation par l’entremise de son Black and Indigenous Futures Fund

Le Toronto Black Farmers and Growers Collective (TBFGC) vise à fournir des aliments frais, sains, adaptés à la culture et produits localement au plus grand nombre possible de familles dans le besoin. Les aliments que les membres du collectif cultivent servent à nourrir des personnes en situation de pauvreté alimentaire et d’insécurité alimentaire. L’organisme anime également des ateliers qui donnent aux gens les moyens de vivre et de manger de manière durable et qui rassemblent des personnes de tous horizons. Leur centre d’alimentation communautaire va à la rencontre des gens là où ils sont et les nourrit sans condition. Les membres du collectif ont travaillé pendant neuf saisons pour développer un modèle d’alimentation communautaire. Au cours d’une saison de culture normale, TBFGC sert de 250 à 300 personnes. Pendant la pandémie, de nouveaux partenariats ont permis au collectif d’élargir son champ d’action et de faire connaître le travail qu’il accomplit en matière d’alimentation dans les collectivités. TBFGC a changé la façon dont les collectivités se rassemblent et se nourrissent.

Rise in STEM propose des programmes d’enrichissement en sciences, en technologies, en ingénierie et en mathématiques (STIM) qui visent à développer le pouvoir et le potentiel des jeunes des communautés noires et des jeunes défavorisés. Irene Duah-Kessie a fondé ce groupe après avoir constaté, au cours de ses études universitaires, l’écart racial notable dans le domaine des STIM. Son initiative vise à la fois à sensibiliser les gens à cette question et à donner aux jeunes du soutien et des outils concrets pour percer dans le domaine des STIM.

Combler les lacunes des organismes de bienfaisance 

Une des principales raisons pour lesquelles un organisme de bienfaisance peut vouloir s’associer à une entité sans statut de bienfaisance est que ce partenaire possède une expertise ou des liens avec la communauté que l’organisme de bienfaisance ne possède pas. La collaboration avec des entités sans statut de bienfaisance permet à l’organisme de bienfaisance de poursuivre sa mission de manière plus efficace et plus efficiente. Par exemple, Irene Duah-Kessie a constaté que même si de nombreux organismes de bienfaisance offrent des programmes STIM, elle n’en connaît aucun qui est accessible et adapté culturellement aux jeunes Noirs dans la communauté où elle travaille. De même, Jacqueline Dwyer, de TBFGC, souligne que son groupe comble un vide parce que les membres travaillent différemment et en meilleure collaboration que ne le font de nombreuses organisations de sécurité alimentaire, en plus de réunir des gens qui ont noué de solides relations.

Pourquoi une organisation n’aurait-elle pas le statut d’organisme de bienfaisance?

De nombreuses raisons peuvent expliquer le fait qu’un groupe ou une organisation n’a pas le statut d’organisme de bienfaisance. Certaines organisations, comme pour Rise in STEM et TBFGC, aimeraient éventuellement obtenir le statut d’organisme de bienfaisance, mais le processus implique des coûts et plus de responsabilités sur le plan juridique et de la gouvernance (p. ex., dépôt de documents fiscaux supplémentaires et mise en place de systèmes de gouvernance plus robustes). Il s’agit de mesures importantes en matière de reddition de comptes et de transparence dont la mise en place demande plus de temps pour les groupes qui disposent de ressources limitées, repoussant d’autant le moment où ils peuvent devenir des organismes de bienfaisance.

D’autres organisations peuvent décider de ne pas chercher à obtenir le statut d’organisme de bienfaisance. Bill Mintram, directeur des relations avec les Autochtones et le Nord à la Fondation Rideau Hall, explique que :

« de nombreuses organisations autochtones ne se sont pas enregistrées comme organismes de bienfaisance même si elles accomplissent un travail équitable pour le bien commun. Selon lui, cette décision repose sur diverses raisons souvent liées à une rupture passée ou actuelle avec le secteur philanthropique, à des préoccupations concernant les obstacles aux droits à l’autodétermination des Autochtones, à la distance qui les sépare des centres de soutien philanthropique et au manque d’accès à ces centres, à des contraintes en matière de capacités et à une connaissance limitée des avantages que l’enregistrement pourrait offrir à ces organisations. »

Ce ne sont là que quelques exemples pour expliquer les raisons pour lesquelles des groupes d’une partie du secteur n’ont pas le statut d’organisme de bienfaisance.

Problèmes avec le système actuel

Les organismes de bienfaisance peuvent financer des entités sans statut de bienfaisance actuellement, mais la façon dont le système fonctionne en ce moment pose de nombreux problèmes.

L’exigence imposée aux organismes de bienfaisance d’exercer une direction et un contrôle sur les activités des entités sans statut de bienfaisance auxquelles ils s’associent peut créer un déséquilibre de pouvoir entre les deux partenaires, ce qui complique grandement le travail de collaboration pour trouver des solutions. Des organisations et des groupes, en particulier ceux dirigés par des communautés en quête d’équité, sont souvent réticents à l’idée de conclure ce type d’entente, qui peut, par ailleurs, créer une charge opérationnelle inutile pour l’organisme de bienfaisance partenaire.

Les règles actuelles nuisent grandement aussi aux organisations qui mènent des activités de développement international à l’étranger. De nombreux organismes de bienfaisance canadiens s’associent à des organisations locales pour offrir des programmes et des services, car ces organisations ont une meilleure connaissance des collectivités qu’elles servent et des enjeux auxquels celles-ci font face. Or, ces organisations locales ne sont souvent pas enregistrées à titre d’organisme de bienfaisance au Canada. L’exigence imposée aux organismes de bienfaisance canadiens d’exercer « une direction et un contrôle » sur les activités de leurs partenaires locaux entre en contradiction avec la politique de développement international du Canada qui met l’accent sur l’appropriation locale et sur la participation et l’inclusion aux prises de décisions.

En quoi le projet de loi S-216 améliorerait-il le financement des entités sans vocation de bienfaisance?

Le projet de loi S-216 conduirait à un système où, lorsqu’un organisme de bienfaisance fournit des ressources à une entité sans vocation de bienfaisance, de solides mesures de reddition de comptes et de transparence demeurent en place. Mais surtout, il nous éloignerait d’un système imposant l’exigence pour les organismes de bienfaisance d’exercer un contrôle opérationnel sur les entités sans statut de bienfaisance pour nous rapprocher d’un système où cette entité  jouirait d’une plus grande autonomie dans la conduite de ses activités, tout en faisant progresser la mission caritative de son partenaire.

Prochaines étapes pour le projet de loi S-216

En date de mars 2022, le projet de loi S-216 a déjà été adopté par le Sénat. Il a aussi été présenté à la Chambre des communes et sera débattu ce printemps. Le projet de loi semble jouir d’un bon appui parmi les députés, et nous avons bon espoir qu’il sera promulgué et deviendra une loi au courant de l’année. 

Vous pouvez en apprendre davantage sur cette question et sur le travail d’Imagine Canada ici. Pour démontrer votre appui au projet de loi, nous vous invitons à envoyer un courriel à votre député.e ou à organiser une rencontre pour lui expliquer l’importance de cette question pour vous et lui demander de voter en faveur du projet de loi. 

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