Mieux comprendre la notion de confiance dans le secteur caritatif : briser et bâtir le lien de confiance
<p class="headline-type">Dans la première partie de ce billet, <em><a href="http://www.imaginecanada.ca/fr/blog/mieux-comprendre-la-notion-de-confi… comprendre la notion de confiance dans le secteur caritatif : une exploration</a></em>, j’ai proposé un survol de ce que la littérature scientifique nous révèle à propos du concept de confiance et pourquoi il est important pour le secteur caritatif. Afin d’aller encore plus loin dans notre compréhension de ce concept, je présente ici quelques points de réflexion sur ce qui peut mener à la rupture du lien de confiance, mais également les mesures à prendre pour le (re)bâtir.</p><br />
<h2>Qu’est-ce qui peut causer la rupture du lien de confiance?</h2><br />
<p>Bien qu’il serait commode de disposer d’une réponse claire quant aux raisons qui causent la rupture du lien de confiance, la littérature nous offre un portrait plutôt chaotique de la réalité. Le concept de confiance est très riche et sujet aux particularités de la situation et des attitudes individuelles. Il est influencé par une multitude de facteurs, ce qui rend impossible de déterminer avec certitude une cause unique, voire une combinaison de causes, qui peuvent détruire le lien de confiance. Il est néanmoins possible de dégager certains éléments qui peuvent miner la confiance du public envers le secteur caritatif.</p><br />
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<li><strong>Scandales.</strong> Nous savons tous qu’un scandale (cas de fraude, scandale sexuel, etc.) dans le secteur caritatif ternit son image aux yeux du public. Selon les auteurs du rapport <em>Talking about Charities</em> (2013), les personnes qui connaissent bien les organismes caritatifs et leurs activités sont généralement plus susceptibles de faire confiance au secteur. On pourrait donc en déduire que les personnes connaissant moins bien le milieu sont plus enclines à être affectés par des événements ou des articles de presse négatifs, ce qui pourrait favoriser la création de stéréotypes.</li><br />
<li><strong>Expériences négatives.</strong> Tout comme les expériences positives avec des organismes caritatifs permettent de créer un lien de confiance, des interactions négatives avec eux ou leurs représentants peuvent provoquer la rupture de ce lien (File et al., 1994). Ces interactions, p. ex. une sollicitation excessive, se traduisent par un sentiment d’insatisfaction chez la personne concernée. Il est important de souligner que de telles interactions négatives peuvent avoir un effet plus significatif chez les personnes avec une faible disposition à faire confiance que chez les personnes plus disposées à le faire (Freitag et Traunmüller, 2009).</li><br />
<li><strong>Manque de transparence.</strong> À l’ère numérique où l’information est continuellement à portée de main, le public s’attend à ce que les organismes caritatifs les renseignent de leur situation financière et de leur rendement (Gaskin, 1999), faute de quoi ils peuvent les percevoir comme suspicieux et non fiables. De même, le public se méfie d’information offerte dans un format inaccessible, p. ex. sous forme de formulaire incompréhensible ou dans un jargon propre au milieu, perçu comme un manque de transparence (Bekkers, 2003).</li><br />
<li><strong>Manque d’efficacité et d’efficience.</strong> Les organisations perçues comme incapables de réaliser leur mission ou dont les pratiques sont considérées comme inefficientes pourraient saper la confiance des donateurs, puisque ces derniers pourraient craindre que l’organisation utilise leurs dons de manière inefficace (Herzlinger, 1996). Enfin, les organisations qui ne semblent pas avoir la capacité, les connaissances et la motivation de réaliser leur mission sont jugées non fiables, puisque les donateurs ont peu de raisons de croire qu’elles respecteront leurs engagements (Sargeant <span class="amp">&</span> Lee, 2002).</li><br />
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<h2>Comment peut-on créer un lien de confiance?</h2><br />
<p>Nous savons maintenant que la confiance est un élément fondamental du travail du secteur sans but lucratif afin de maintenir ses activités et de réussir sa mission. Se pose alors la question suivante : que peuvent faire les organismes caritatifs pour améliorer leur fiabilité aux yeux du public?</p><br />
<p>Devant la multitude de facteurs qui influencent la confiance et qui touchent différentes personnes de différentes manières, il semble difficile d’établir des approches précises et universelles pour gagner la confiance d’autrui. Dans tous les cas, les chercheurs s’entendent pour dire que le processus visant à créer un lien de confiance est beaucoup plus ardu que celui qui mène à sa rupture.</p><br />
<p>Dans une présentation <a href="https://www.ted.com/talks/onora_o_neill_what_we_don_t_understand_about_…; (<em>en anglais</em>), la philosophe Onara O’Neill ajoute un nouvel argument à ce débat en affirmant qu’afin de gagner la confiance du public, nous devons d’abord et avant tout <strong>nous regarder dans le miroir et remettre en question nos propres façons de faire</strong>. Selon différentes études, quatre éléments déterminent la fiabilité d’une organisation aux yeux du public (Alhidari et al., 2018).</p><br />
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<li><strong>Compétences perçues</strong> : L’organisme a-t-il les ressources, connaissances et capacités pour réaliser sa mission?</li><br />
<li><strong>Intégrité perçue </strong>: L’organisme agit-il d’une manière moralement acceptable et adhère-t-il à des valeurs convenables? Ses gestes correspondent-ils à ses promesses et à sa mission?</li><br />
<li><strong>Bienveillance perçue </strong>: L’organisme agit-il pour des raisons altruistes et libre de toute intention égoïste?</li><br />
<li><strong>Disposition à faire confiance </strong>: La personne en question a-t-elle tendance à faire confiance à autrui ou aux organisations?</li><br />
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<p>Parmi ses quatre éléments, les compétences, l’intégrité et la bienveillance perçues d’un organisme caritatif sont les plus importantes. Pour sa part, la disposition d’une personne à faire confiance est extrêmement difficile à déterminer et à changer, tandis qu’il est possible d’améliorer la perception des gens à l’égard des organismes. En même temps, on sait qu’un organisme qui a les compétences requises et qui agit avec intégrité et bienveillance n’est pas nécessairement perçu de la sorte par les donateurs. Par conséquent, les organismes doivent passer à l’action pour communiquer de manière limpide et efficace leur impact et leurs valeurs. La recherche démontre par ailleurs qu’une certification délivrée par un organisme indépendant peut être perçue comme un indice de fiabilité aux yeux du public (Becker, 2018). Les organismes peuvent donc choisir de faire le point sur leur fiabilité en explorant le <a href="http://imaginecanada.ca/fr/nos-programmes/programme-de-normes">Programme de normes</a> d’Imagine Canada.</p><br />
<p>J’espère que cette réflexion initiale vous a permis d’amorcer une discussion sur ce que votre organisme et notre secteur peuvent faire pour renforcer notre lien de confiance avec le public. Imagine Canada poursuivra son travail sur les questions de confiance et vous en parlera davantage au cours des prochains mois.</p><br />
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<p><em>Notre projet sur la confiance vous intéresse? Si vous souhaitez en apprendre davantage ou y participer, contactez Marnie Grona, directrice des communications stratégiques à <a href="mailto:mgrona@imaginecanada.ca">mgrona@imaginecanada.ca</a>.</em></p><br />
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<h3>Bibliographie</h3><br />
<p>Alhidari, I. S., Veludo-de-Oliveira, T. M., Yousafzai, S. Y., <span class="amp">&</span> Yani-de-Soriano, M. (2018). « <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0899764017753559#">Modeling the Effect of Multidimensional Trust on Individual Monetary Donations to Charitable Organizations</a> ». <em>Nonprofit and Voluntary Sector Quarterly</em>, 47(3), 623-644.</p><br />
<p>Becker, A. (2018). « <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0899764018756200">An Experimental Study of Voluntary Nonprofit Accountability and Effects on Public Trust, Reputation, Perceived Quality, and Donation Behavior</a> ». <em>Nonprofit and Voluntary Sector Quarterly</em>, 47(3), 562-582.</p><br />
<p>Bekkers, R. (2003). « <em><a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0899764003258102">Trust, Accreditation, and Philanthropy in the Netherlands</a></em> ». Nonprofit and Voluntary Sector Quarterly, 32(4), 596-615.</p><br />
<p>File, K. M., Prince, R. A., <span class="amp">&</span> Cermak, <span class="caps">D. S.</span>(1994). « <em><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/nml.4130040303">Creating trust with major donors: The service encounter model</a></em> ». <em>Nonprofit Management and Leadership</em>, 4(3), 269-283.</p><br />
<p>Freitag, M., <span class="amp">&</span> Traunmüller, R. (2009). « <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1475-6765.2009.00849… of trust: An empirical analysis of the foundations of particularised and generalised trust</a> ». <em>European Journal of Political Research</em>, 48(6), 782-803.</p><br />
<p>Gaskin, K. (1999). « <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/nvsm.66">Blurred vision: Public trust in charities</a> ». <em>International Journal of Nonprofit and Voluntary Sector Marketing</em>, 4(2), 163-178.</p><br />
<p>Herzlinger, <span class="caps">R. E.</span>(1996). « <a href="https://hbr.org/1996/03/can-public-trust-in-nonprofits-and-governments-… Public Trust in Nonprofits and Governments Be Restored?</a> »<em> Harvard Business Review</em>, 74(2), 97-107.</p><br />
<p>Sargeant, A., <span class="amp">&</span> Lee, S. (2002). « <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1362/0267257022780679">Individual and contextual antecedents of donor trust in the voluntary sector</a> ». Journal of Marketing Management, 18(7-8), 779-802.</p><br />
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<h3>À propos de l’auteure</h3><br />
<p><img alt="Jasmine Chananna" height="120" src="/sites/default/files/j_chananna.png" style="margin:0px 15px; float:left" width="120" /><strong>Jasmine Chananna</strong> a participé au programme d’emploi d’été pour étudiants d’Imagine Canada en 2018 à titre d’assistante en expertise comportementale. Elle poursuit actuellement ses études en vue d’obtenir un baccalauréat spécialisé en psychologie à l’Université Western. Sa passion pour l’étude du comportement, la cognition et la psyché humaine la pousse à poser des questions difficiles et à toujours chercher des explications systématiques. Suivez-la sur <a href="https://www.linkedin.com/in/jasminechananna/" target="_blank">LinkedIn</a>.</p><br />
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