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La semaine de travail de quatre jours change les façons de faire des OBNL au Canada

La semaine de travail de quatre jours change les façons de faire des OBNL au Canada

Walking in the rain
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Cet article a été publié initialement par Future of Good et est partagé ici avec permission. La publication de cet article bénéficie du soutien d’Intervalles RH, une ressource en ligne bilingue, offerte gratuitement pour aider les gestionnaires, employé.e.s et membres de conseils d’administration dans le secteur des OBNL à mieux comprendre, à prendre en main et à guider la gestion des ressources humaines au sein de leurs organisations.

Trois quarts des organismes à but non lucratif (OBNL) en Ontario ont rapporté un roulement de personnel en 2023. Devant cette réalité, de plus en plus d’organismes adoptent de nouvelles stratégies pour recruter et maintenir leurs employé.e.s en poste.

De manière générale, les employeurs sont davantage à l’écoute après que certaines statistiques ont montré que 93 pour cent de la population du pays s’intéresse à la semaine de travail de quatre jours.

Au niveau provincial en Ontario, bien que seulement 8 pour cent des OBNL ont mis en place ce modèle, ceux-ci obtiennent d’excellents résultats.

Imagine Canada, un organisme qui travaille pour les organismes de bienfaisance et OBNL du pays, est un ardent défenseur du modèle.
 
Haley MacDonald, directrice, Expérience et changement à Imagine Canada, a aidé à préparer l’organisme au projet pilote de la semaine de travail de quatre jours et à le mettre en place. Elle note qu’adopter une semaine de quatre jours est un changement qui peut sembler dramatique pour une organisation.

« Cependant, dit-elle, ses avantages, notamment le sentiment qu’ont les employé.e.s d’être pris en considération et la multiplication des ressources à leur disposition par le seul fait de leur donner plus de temps, peuvent avoir des bénéfices énormes pour l’organisation. »

Selon les défenseurs du modèle, tant les employeurs que les employé.e.s en bénéficient, car il stimule les niveaux d’emploi et la rétention du personnel tout comme le rendement et la motivation. De plus, la semaine de travail raccourcie favoriserait la santé et le bien-être du personnel, réduisant ainsi la facture liée aux congés de maladie. Entre autres, elle permet de prendre des rendez-vous médicaux en dehors des heures de bureau et de revenir au travail après avoir fait le plein d’énergie pendant la fin de semaine de trois jours.

Bien sûr, un tel changement comporte des défis, notamment la réorganisation d’horaires établis depuis longtemps ou le maintien de tous les services dans une période plus courte. Toutefois, les organisations acceptent de relever ces défis pour le bien-être de leurs employé.e.s et sans perdre leur capacité à fournir des services essentiels aux membres de leur communauté.

Imagine Canada a lancé son projet pilote en janvier 2023. Depuis, l’organisme, qui sonde régulièrement son équipe, a constaté une amélioration de 66 pour cent de l’état de santé mentale, physique et émotionnelle, de même qu’une hausse fulgurante du taux de satisfaction quant à l’équilibre travail-vie privée. Selon les chiffres fournis par l’organisme, le nombre de journées de maladie est en baisse de 40 pour cent, et le taux de rétention du personnel a atteint 94 pour cent à la fin de 2024.

De manière générale, la productivité est restée stable, puisque la diminution dans certains domaines a été compensée par la hausse dans d’autres dossiers. Ainsi, le nombre de documents d’information sur des politiques, d’articles d’opinion et autres communications pour faire avancer des dossiers stratégiques a augmenté de 86 pour cent. Le nombre d’organismes membres a connu une hausse de 20 pour cent.

Selon Mme MacDonald, les employé.e.s autant que l’équipe de direction ont accueilli la semaine de travail de quatre jours avec « beaucoup d’optimisme et d’enthousiasme ». En même temps, il fallait continuer à accomplir un grand volume de travail.

Elle explique qu’un important bailleur de fonds s’est d’abord montré sceptique à l’égard du projet. De nombreuses discussions ont cependant permis de rassurer les partenaires sur le fait que la semaine de travail de quatre jours n’entraînera pas la diminution de services que ces derniers avaient anticipée.

En fait, Imagine Canada a augmenté son offre de services depuis l’adoption du nouveau modèle. 

« Une semaine du lundi au jeudi, c’est intense. J’entends beaucoup de collègues qui disent qu’il y a beaucoup de travail à faire durant ces quatre jours », convient Mme MacDonald. « La bonne nouvelle, d’après moi, c’est que l’intensité du travail est réellement compensée par la cinquième journée qui est congé. Puis, le lundi, l'équipe revient plus revigorée. »

Tim Richardson est gestionnaire principal à Imagine Canada. Il a été un des premiers à plaider le cas de la semaine de travail de quatre jours. Malgré l’intensité de son horaire du lundi au jeudi, il considère que le vendredi de congé lui donne le temps dont il a besoin pour ses enfants, ses passe-temps et les tâches ménagères.

« Ma vie en a grandement bénéficié. Et je suis assurément plus présent et investi au travail », ajoute-t-il.

Malgré cela, il fallait retirer certains points de l’horaire pour être en mesure de prendre une journée de congé de plus sans compromettre la productivité. M. Richardson explique que l’équipe a réduit le nombre de réunions, ce qui n’est pas nécessairement mauvais.

En effet, selon un récent sondage du Harvard Business Journal, 71 pour cent des gestionnaires estiment que de nombreuses réunions sont inefficientes et 64 pour cent, que les réunions interrompent les phases de réflexion profonde.

« Couper le nombre de réunions et apprendre à remettre en question la pertinence des réunions était une étape importante », se souvient M. Richardson. Il explique qu’entre autres, beaucoup de réunions hebdomadaires ont désormais lieu toutes les deux semaines.

De plus, avant même le début du projet pilote, Imagine Canada a introduit les lundis et les vendredis sans réunions.

M. Richardson reçoit aujourd’hui beaucoup d’appels d’organismes qui souhaitent adopter la semaine de travail de quatre jours.

Outre la réorganisation des réunions, qu’il considère comme « une très bonne façon de se préparer », il recommande une période d’essai suffisante pour déterminer si le modèle convient à l’organisation.

« Prévoyez un projet pilote assez long et pendant une période représentative de votre cycle d’activités », recommande-t-il. Et ajoute que l’essai doit durer assez longtemps pour couvrir les périodes les plus occupées, ainsi que les hauts et les bas de différentes saisons.

« Trois mois pour un projet pilote, c’est vraiment trop court. Il faudrait faire tout le travail d’ajustement et relever les défis qui se posent au début, sans avoir le temps de voir les bénéfices. »

Cela dit, le modèle de la semaine de travail de quatre jours n’est pas une solution universelle et sa mise en place peut différer selon les organisations et leur mandat.

C’est pourquoi l’organisme de bienfaisance Silent Voice Canada, qui offre des programmes directs pendant toute la semaine à la communauté Sourde, a dû trouver sa propre voie pour mettre en place sa version de la semaine de travail raccourcie. En fin de compte, il a opté pour un modèle de 32 heures.

Les membres du personnel peuvent choisir de répartir ces heures sur cinq ou six jours, selon leur charge de travail, ou de travailler plus d’heures en quatre jours.

« Je voulais faire partie d’un réel changement culturel dans la façon de gérer notre travail », affirme Kelly Mackenzie, directrice générale de l’organisme. Ce fut un réel défi considérant que Silent Voice dispense des programmes six jours par semaine.

Le choix de la semaine de travail de 32 heures permet une organisation plus souple des horaires afin de maintenir l’offre de services.

« Nous avons le luxe de pouvoir compter sur des effectifs assez nombreux pour éviter tout effet négatif sur nos services à la clientèle », dit-elle. Elle ajoute que les horaires flexibles n’ont pas seulement amélioré la rétention du personnel, mais aussi l’attrait de l’organisme comme employeur.

« Plus de 90 pour cent des personnes à l’emploi de Silent Voice sont elles-mêmes sourdes. Des membres de la communauté Sourde viennent nous voir pour demander quand nous aurons un poste à pourvoir, parce qu’ils veulent travailler pour l’organisme. »

Tandis que la semaine de travail raccourcie est une nouvelle pratique pour certains OBNL, d’autres fonctionnent selon ce modèle depuis plusieurs décennies.

La Fondation David Suzuki a adopté la semaine de travail de 34 heures en quatre jours (en anglais) dès sa création en 1990. Elle avance que ce modèle l’aide à réaliser son mandat, en plus d’avoir un effet bénéfique sur l’environnement.

Ainsi, le nombre d’heures de travail réduit, les horaires flexibles et le télétravail permettent de couper dans la pollution et l’émission de gaz à effet de serre.

« L’adoption de ce modèle est directement associée à la réduction de l’empreinte carbone d’une organisation », explique Sabaa Khan, directrice générale pour le Québec et l’Atlantique de la Fondation.

Selon elle, même si la situation au Canada doit être examinée davantage, une étude réalisée au Royaume-Uni a montré que l’adoption généralisée de la semaine de travail de quatre jours pourrait réduire l’empreinte carbone annuelle du pays de 21,3 pour cent. Elle ajoute que dans les grands dossiers comme le bouleversement climatique, il est important pour les organisations de protéger leurs équipes contre une surcharge de travail, l’épuisement et l’écoanxiété envahissante.

« Quiconque travaille dans un domaine animé par une forte mission, comme les changements climatiques et la protection de la biodiversité, est confronté à d’énormes problèmes existentiels sur une base quotidienne… L’écoanxiété est donc très répandue parmi les personnes qui travaillent sur ces dossiers », explique Mme Khan. Selon elle, la durée qu’une personne peut rester dans le secteur du bien commun dépend de sa capacité à concilier son travail et sa vie personnelle.

Et Mme Khan de conclure, « à cet égard, la semaine de travail de quatre jours attire les talents et contribue à maintenir les employé.e.s en poste plus longtemps. »

 

 

Cet article a originalement été publié par Future of Good.

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