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Gouvernance autochtone dans le secteur des OBNL : les valeurs avant les outils

Gouvernance autochtone dans le secteur des OBNL : les valeurs avant les outils

Parc national des hautes gorges de la rivière malbaie
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Depuis l’adoption des lois portant sur la civilisation graduelle et l’émancipation graduelle, plus tard intégrées à la Loi sur les Indiens, les peuples autochtones au Canada subissent du racisme, de la discrimination, de l’exploitation et de la domination. Conçue dans le but d’assimiler les communautés autochtones au système dominant et d’éradiquer leurs modes de vie traditionnels, la Loi sur les Indiens constitue une source de traumatismes et d’appauvrissement, ainsi qu’une atteinte à la cohésion sociale des communautés, nations et familles autochtones. Au Canada, il n’existe aucun autre groupe de peuples qui fait l’objet d’une loi qui ne porte que sur lui et qui régit tous les aspects de sa vie, y compris son identité, ses terres, ses ressources et son droit (ou l’absence de droit) à l’autogouvernance et à l’autodétermination. Malgré de nombreuses modifications apportées à la Loi depuis 1876, elle demeure l’un des documents législatifs les plus racistes jamais adoptés, qui est toujours en vigueur. Parmi les moyens de colonisation mis de l’avant par la Loi, il y a les différentes formes de gouvernance.
 
Le système bâti sur l’existence d’un conseil et d’un chef est un système de gouvernance occidental imposé par la Loi sur les Indiens et fondé sur l’élection des dirigeant.e.s des communautés autochtones. Ce système importé a éliminé toute autre forme préexistante de gouvernance autochtone, dont le modèle de chef héréditaire. Dans ce modèle, les chefs héritent de leur rôle et de leurs responsabilités selon les pratiques culturelles et les lois adoptées par leur communauté. À l’opposé, la structure imposée oblige toutes les communautés à utiliser le même système sans égard pour leurs différences culturelles, leurs valeurs et la structure de leur communauté. Plus important encore, elle mine la capacité des communautés à déterminer elles-mêmes leur forme de leadership. Cela dit, certaines organisations autochtones ont très favorablement adopté et accepté les pratiques de gouvernance coloniales et dominantes.
 
Lorsque je regarde les formes de gouvernance utilisées par les organisations autochtones de nos jours, je pense moins au processus et plus au système de valeurs qui sous-tend le processus. La vie à l’intérieur du modèle colonial nous a appris, et grandement récompensés pour, la prise de décisions fondées sur des indicateurs de performance clés qui encouragent l’accumulation, la croissance, l’expansion et la vitalité financière. Or, parfois, ce système est incompatible avec les systèmes traditionnels de valeurs autochtones qui préconisent la transmission de la sagesse; la protection de la terre, des ressources et des enfants; la gratitude; l’humilité; l’honneur; la confiance; l’équilibre; l’amour; les gestes posés pour le bien d’autrui; et le refus de faire mal à d’autres. Mon point n’est pas de dépeindre un système de valeurs comme étant bon et l’autre comme étant mauvais, mais plutôt de mettre en lumière ce qui les différencie. Dans les organisations, on a souvent l’impression que ces valeurs traditionnelles ont été redéfinies et associées à la faiblesse et à l’absence d’accomplissements, comme la stabilité financière, la richesse et la prospérité. Bien que parfois diluées dans la culture organisationnelle occidentale, les valeurs autochtones demeurent primordiales pour maintenir l’importance culturelle de la gouvernance. Dans beaucoup d’organisations qui misent sur leurs valeurs, mission, vision et pratiques pour préserver des processus et identités culturelles dans leurs structures de gouvernance, les outils que nous utilisons, p. ex. Robert’s Rules of Order (ensemble de règles de procédures pour les assemblées délibérantes, n.d.t.) sont insignifiants sur le plan opérationnel.
 
Les organisations communiquent avec moi pour savoir comment elles pourraient adopter et mettre en place des formes de gouvernance « à l’autochtone ». Parfois, je leur explique que l’idée derrière Robert’s Rules of Order (créées en 1876, la même année que la version précédemment mentionnée de la Loi sur les Indiens a été adoptée) était exactement cela, établir un ordre. On considère souvent ces règles comme un processus excessivement formel qui nie le besoin des humains de faire appel à notre cœur autant qu’à notre esprit pour prendre des décisions. Elles nient aussi les rituels de rassemblement des Autochtones, y compris les protocoles, cérémonies et autres pratiques qui permettent de préserver l’identité culturelle et la diversité. Je pourrais me tenir à critiquer ces outils, mais je préfère attirer l’attention sur les valeurs à la base des pratiques. Car au-delà de Robert’s Rules of Order, il existe de nombreux autres outils, dont Atwood’s Rules (règles concernant les réunions, n.d.t), Martha’s Rules (règles concernant la prise de décisions, n.d.t) et Democratic Rules of Order (règles de procédure démocratiques, n.d.t). Je crois fermement que chaque organisation devrait avoir le droit de choisir les pratiques qu’elle souhaite adopter. En même temps, je prétends que si les valeurs à la base de nos pratiques sont valables et maintenues, les outils perdront de leur pouvoir et céderont la place à des valeurs comme l’inclusivité, la diversité, le partage et le respect.
 
L’intégration dans les structures de gouvernance de pratiques telles la reconnaissance territoriale, l’adoption par le conseil d’administration de positions en faveur des jeunes et des Aîné.e.s, et l’utilisation du protocole du cercle est bien. Or, elle ne sera pas suffisante si ces pratiques ne découlent pas de valeurs qui incarnent les façons autochtones de savoir, de faire et d’être. L’adoption de ces valeurs n’est pas toujours facile et souvent considérée comme trop longue. Toutefois, c’est l’intégration active et intentionnelle de valeurs autochtones dans les pratiques qui est au cœur d’une bonne gouvernance inclusive.
 
 
 

Rachelle est membre de la nation innue établie dans le nord-est du Québec. Dans son poste de directrice générale de la Indigenous Perspectives Society, elle met à profit plus de 15 ans d’expérience en gestion et leadership. C’est sa grande expérience dans les services de première ligne qui influence son leadership aujourd’hui, notamment ses premières années de travail auprès des personnes à risque, dont les femmes victimes de trafic sexuel, les personnes dans le système correctionnel et les itinérants. Elle-même survivante de traumatismes intergénérationnels, Rachelle s’applique avec passion à développer les formations Reconciliation from an Indigenous Perspective offertes par la Indigenous Perspectives Society. Cette offre comprend, entre autres, une formation sur les perspectives culturelles, mise sur pied en réponse aux Appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. 
 

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