Aller au contenu principal

Lettre ouverte au premier ministre au sujet du secteur de la bienfaisance et sans but lucratif canadien

Lettre ouverte au premier ministre au sujet du secteur de la bienfaisance et sans but lucratif canadien

<p class="headline-type">Monsieur le Premier ministre,</p><br />
<p class="headline-type">Je vous écris aujourd’hui au nom du secteur de la bienfaisance et sans but lucratif pour vous faire part de ma réflexion quant au progrès, ou l’absence de progrès, dans plusieurs dossiers qui représentent des engagements importants inscrits dans les lettres de mandat adressées aux membres de votre cabinet, et ce, quelque temps après le mi-mandat de votre gouvernement. Puisque Imagine Canada agit à titre d’organisme-cadre national de notre secteur, mes commentaires se limiteront aux sujets et engagements qui concernent l’ensemble du secteur plutôt qu’à ceux associés à la mission d’organismes ou de sous-secteurs particuliers.</p><br />
<p>Plusieurs lettres de mandat font état d’engagements d’une grande importance pour notre secteur, soit les lettres adressées à la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, au ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, au ministre des Finances, à la ministre du Revenu national, au ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, à la ministre de la Justice, à la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, ainsi qu’au président du Conseil du Trésor. Puisque plusieurs des engagements se chevauchent, je les aborde ci-dessous par ordre thématique.</p><br />
<h2>Réforme juridique et réglementaire</h2><br />
<p><em>Les lettres de mandat adressées au ministre des Finances, à la ministre du Revenu national et à la ministre de la Justice contiennent des directives concernant la modernisation des cadres juridique et réglementaire qui régissent les activités des organismes de bienfaisance, et de façon générale, des organismes sans but lucratif.</em></p><br />
<p>Le processus de réforme juridique et réglementaire revêt une importance particulière, et ce, pour plusieurs raisons. Les contraintes imposées aux activités d’investissement des organismes et à celles leur permettant de générer des revenus représentent de véritables barrières à la mise en œuvre de tout programme de finance sociale ou d’innovation sociale, au point où les organismes qui souhaitent y participer comme partenaire ou bailleur de fonds pourraient se voir empêcher d’agir de la sorte. Autre exemple, les règles concernant « la direction et le contrôle » des ressources des organismes de bienfaisance favorisent une approche désuète et paternaliste vis-à-vis le travail communautaire, une approche qui se trouve aux antipodes des méthodes privilégiées par le gouvernement lui-même, entre autres pour les partenariats en développement international. Ce système datant du <span class="caps">XVII</span>e siècle, qui commande nos activités, doit être mis à jour pour refléter les réalités du <span class="caps">XXI</span>e siècle.</p><br />
<p>Nous avons vu dans le contenu des lettres de mandat un signe d’encouragement qui semblaient ouvrir la porte à la discussion sur un véritable processus de modernisation. Nous nous sommes également réjouis de la mise sur pied, par la ministre du Revenu national, d’un comité consultatif pour mener des consultations sur les activités politiques et d’autres questions problématiques soulevées par les organismes de bienfaisance. Nous appuyons fortement les recommandations émises par le comité consultatif, à la fois en ce qui concerne les activités politiques et la réforme juridique et réglementaire.</p><br />
<p>Toutefois, nous trouvons très alarmant que près d’un an après le dépôt du rapport du comité consultatif aux mains de la ministre du Revenu national, le gouvernement n’ait fourni aucune réponse officielle aux recommandations, ni dans le dossier des activités politiques ni dans celui de la modernisation. Nous voyons un risque réel de perdre l’élan et la volonté suscités par le travail du comité. Nous serions heureux de voir le gouvernement signaler son intention de répondre au comité consultatif et de poursuivre la réalisation de ses engagements dans ce dossier.</p><br />
<p>Nous avons noté avec grand intérêt et enthousiasme le vote du Sénat pour la création d’un comité spécial chargé d’étudier les effets des lois, réglementations et politiques existantes sur les organismes de bienfaisance et sans but lucratif, de même que l’influence générale du secteur. Nous avons bon espoir que la réponse du gouvernement en matière d’activités politiques précédera le processus envisagé par le Sénat, mais ce dernier représente à nos yeux un forum pour explorer d’autres grandes questions. Nous invitons le gouvernement à reconnaître l’effort du Sénat et de confirmer sa volonté de donner suite aux recommandations du comité spécial, si possible.</p><br />
<h2>Données</h2><br />
<p><em>Le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique a été chargé d’améliorer la qualité des données disponibles au public.</em></p><br />
<p>Vous n’êtes pas sans savoir que Statistique Canada ne produit plus, ni diffuse, de données sur l’ensemble du secteur de la bienfaisance et sans but lucratif. Dans le passé, des produits comme l’Enquête nationale sur les organismes bénévoles et sans but lucratif et le Compte satellite des organismes sans but lucratif et du bénévolat nous ont fourni de l’information indispensable sur le secteur et sur l’effet de son travail sur le plan économique et social. Selon les plus récentes données à notre disposition, les organismes de bienfaisance et sans but lucratif contribuent pour huit pour cent au <span class="caps">PIB</span> et emploient quelque deux millions de personnes au Canada. Malheureusement, ces données datent d’il y a plus de dix ans.</p><br />
<p>Nous avons discuté avec Statistique Canada et le bureau du ministre à savoir comment cette situation pouvait être corrigée. Il fut un temps où le Canada était parmi les pays les plus avant-gardistes en ce qui concerne la production d’information et de données sur ce secteur, et nous espérons qu’il reprendra sa place. Pour que le gouvernement puisse agir sur ses engagements dans les dossiers que nous abordons dans la présente lettre, nous avons besoin d’information actuelle et de bonne qualité sur notre secteur. Nous avons pu témoigner d’une certaine reconnaissance de l’importance de cet enjeu, mais non de l’urgence d’y attribuer les ressources nécessaires pour collecter les données pertinentes.</p><br />
<h2>Subventions et contributions</h2><br />
<p><em>Vous avez demandé au président du Conseil du Trésor d’encourager les ministères à affecter un pourcentage fixe de leur financement de programme à la mise à l’essai de nouvelles façons de faire pour résoudre des problèmes existantes, et à en évaluer les résultats.</em></p><br />
<p>Nous sommes heureux que le Conseil du Trésor ait accordé une plus grande flexibilité aux ministères en cette matière, nous espérons que ces derniers en profiteront et que le Conseil du Trésor compilera et fera partager de l’information sur la manière dont cette directive a été mise en œuvre.</p><br />
<p>Vous avez également souligné l’importance de l’évaluation en demandant au président du Conseil du Trésor d’instaurer « une culture plus propice à la mesure, à l’évaluation et à l’innovation dans la conception et l’exécution des programmes et des politiques. » Or, en réalité, les dépenses liées à la mesure et à l’évaluation ne sont pas considérées comme des coûts admissibles dans la plupart des ententes de subvention ou de contribution, ce qui pourrait nuire considérablement à la réalisation de votre demande. Qui plus est, et de façon générale, l’administration des subventions et contributions, souvent d’une courte durée, axée sur les résultats à court plutôt qu’à long terme et réfractaire au risque, limite la place de l’innovation dans les activités des organismes de notre secteur. Nous comprenons que le Conseil du Trésor est en train de réviser ses politiques sur les paiements de transfert et nous encourageons votre gouvernement à s’assurer que l’administration des subventions et contributions se fait de manière à favoriser l’innovation.</p><br />
<h2>Finance sociale et innovation sociale</h2><br />
<p><em>Le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social et la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail ont reçu le mandat d’élaborer une stratégie d’innovation sociale et de finance sociale. Vous avez demandé à la ministre du Revenu national de contribuer à ce processus.</em></p><br />
<p>Nous nous sommes réjoui de la création du comité directeur sur la cocréation d’une stratégie d’innovation sociale et de finance sociale l’été dernier et du processus de consultation qui s’en est suivi. Bien que nous reconnaissions que plusieurs membres du comité directeur ont certaines connaissances du secteur de la bienfaisance et sans but lucratif, nous avons été déçus de constater que notre secteur ne soit pas directement représenté au sein du comité. Imagine Canada a tout de même préparé un mémoire et des recommandations à l’attention du comité directeur et a participé aux séances de consultation, tout comme d’autres organismes de bienfaisance et sans but lucratif.</p><br />
<p>Notre compréhension est que le comité directeur fera rapport de ses consultations cet été, et nous prendrons connaissance de ses recommandations avec grand intérêt. Nous avons confiance que le gouvernement réfléchira avec tout le sérieux nécessaire à la meilleure façon d’investir adéquatement dans cette stratégie et d’y accorder les ressources requises. Nous considérons aussi qu’une approche pangouvernementale serait probablement la plus appropriée.</p><br />
<h2>Approvisionnement</h2><br />
<p><em>La ministre des Services publics et de l’Approvisionnement a été chargée de moderniser le système d’approvisionnement fédéral de manière à favoriser la réalisation de plusieurs priorités gouvernementales, dont l’approvisionnement social.</em></p><br />
<p>Nous sommes heureux de constater que Services publics et Approvisionnement Canada a amorcé des consultations sur la manière d’intégrer l’approvisionnement social à diverses activités d’achat du gouvernement. Le processus n’est qu’à ses débuts, mais nous espérons voir des progrès significatifs vers l’atteinte de cet objectif.</p><br />
<p>Nous avons également bon espoir de voir l’adoption prochaine du projet de loi C-344. Là où elles ont été mises à l’essai, les ententes sur les retombées locales se sont avérées des outils efficaces pour créer de multiples avantages au moyen de dépenses publiques sans engendrer une augmentation des coûts d’approvisionnement.</p><br />
<h2>Emploi des jeunes</h2><br />
<p><em>La ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail a été chargée d’« [a]ugmenter le nombre d’emplois permanents et de bonne qualité pour les jeunes travailleurs », entre autres en investissant davantage dans la Stratégie emploi jeunesse et en améliorant les résultats de cette stratégie.</em></p><br />
<p>Les organismes de bienfaisance et sans but lucratif emploient un nombre important de jeunes Canadiens. Quels que soient les changements que le gouvernement entend apporter à l’initiative d’emploi pour les jeunes, nous espérons qu’il soit conscient de cette réalité et s’assurera que les organismes de bienfaisance et sans but lucratif ne soient aucunement désavantagés. Nous avons été satisfaits que le groupe d’expert sur l’emploi chez les jeunes ait reconnu que les organismes devraient participer à la conception d’un éventuel programme ou d’une éventuelle politique, et ce, non seulement comme fournisseur de services aux jeunes, mais comme employeur important de cette frange de la population. Plusieurs membres du groupe de travail politique sur l’emploi des jeunes dans notre secteur mis en place par Imagine Canada ont été sollicités pour participer aux consultations avec la ministre. Nous espérons y voir un engagement à tenir compte de la perspective de tous les secteurs dans l’élaboration de nouvelles politiques en matière d’emploi et économique.</p><br />
<p>Je vous remercie de l’attention que vous accordez à cette lettre et aux enjeux soulevés dans ces lignes et je serais ravie de connaître votre point de vue sur ces sujets.</p><br />
<p>Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de ma très haute considération.</p><br />
<p><strong>Bruce MacDonald</strong></p><br />
<p>Président-directeur général</p><br />
<p> </p><br />